Actualités

Serge Fiori Hommage national

Célébration Serge Fiori
Place des Arts, 15 juillet 2025
Publié le 24 juillet 2025

Un mois après son décès 

Une analyse de Glen Bourgeois

Un hommage pour ‘trois’ Fiori– Une semaine après le rituel

Sur le coup de temps, ça dépassait toutes mes attentes. Arrivé presque directement d’un vol de matin provenant de la France, le manque de sommeil (et bien, j’avais réussi à profiter pendant quelques heures de sommeil, la veille) ne fut qu’amplifier le sentiment de participer à un événement qui me dépassait complètement.

Voici qu’on rendait hommage à un “génie musical” (pour emprunter les mots de Monique Giroux, productrice et animatrice d’Ici Musique ayant participé à la couverture RDI de l’événement) dont je m’étais introduit à sa musique à l’âge de cinq ans, parmi tant de gens dont la grande majorité en était probablement bien familier depuis plus de temps que moi.

La pièce Ça fait du bien qui se reproduit sur ma table tournante à présent (version XL) côtoie bien les souvenirs qui me reviennent à l’esprit, à peu près exactement une semaine après que l’hommage s’est terminé, temps lorsque je débute l’écriture de ce texte.

Pourquoi le délai à écrire?

Et bien, un peu le trac de couvrir un événement de si haute envergure (après tout, je suis Acadien, un genre de gars qui voit le Québec de l’extérieur tout en étant les deux pieds sur la terre de la belle province). Ajoute le désir de pouvoir se distinguer de tous les reportages publiés dans les quelques minutes aux vingt-quatre heures suivant la clôture.

Non le moindre, la vie quotidienne qui m’a présenté une foule d’affaires depuis ce temps, dont certaines m’ont bousculé et d’autres m’ont tout simplement occupé. Et aussi la méfiance d’avoir manqué ou sous-estimé quelque chose, un courant, un fil conducteur, un message qui s’était transmis mais que j’étais probablement trop bien dans ma peau, enveloppé de nostalgie et de bonnes vibes, afin de bien le capter.

En effet, plusieurs messages. Ayant maintenant et finalement le courage de rassembler tous mes vinyles reliés à Fiori (y inclus celui d’Yvon Deschamps, C’est tout seul qu’on est l’plus nombreux de 1982, dont Serge a contribué à plusieurs coécritures musicales en côtoyant l’ancien heptadien Libert Subirana et le comédien lui-même pour un spectacle qui voit aussi la participation du claviériste Serge Locat et le batteur Denis Farmer), je m’y mets à la tâche.

Grâce à la reprise en ligne de l’émission spéciale telle que diffusée à RDI (en passant, merci à la chaîne Radio-Canada Info, qui l’a peut-être toujours classé dans une section appropriée intitulée Nos incontournables), j’ai pu revoir la cérémonie. Non seulement l’hommage national, mais également voir pour une première fois la couverture médiatique qui l’a encadré et toutes les entrevues dont les auditeurs à distance ont pu voir. 

Inutile de dire qu’un hommage national n’est pas offert pour tout artiste, que ce soit peintre, écrivain, poète ou musicien. Nelligan n’a jamais eu de si belles éloges lors de sa mort.

La cérémonie

Les gendarmes sont à l’entrée principale de la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.

Photo: Glen Bourgeois

Bien qu’on indique l’arrivée de détenteurs de billets tôt en matinée afin de s’assurer les meilleurs sièges, ces derniers furent assurés aux amis, invités, délégués: on voit des visages familiers tels Luc Plamondon, Francine Grimaldi, même Gerry Mercer de April Wine (selon un de mes collègues). Bien plus près, je suis ravi de m’apercevoir de la présence tout près d’un autre membre de l’auditoire qui cherche à cacher sa forte ressemblance à la personne d’honneur en arrière de lunettes fumées.

Le premier ministre François Legault avoue s’être payé la traite en faisant la décision d’offrir à Fiori un hommage national, mais d’autant il souligne que l’auteur-compositeur- interprète-et-plus, est d’autant apprécié non seulement de sa propre génération, mais autant de celle qui voit les enfants du premier ministre Legault, âgés d’environ une trentaine d’années

Bien que la musique remixée et parfois réenregistrée pour la production Seul ensemble du Cirque Éloize a su moderniser les arrangements sur lesquels reposent les mélodies de Fiori. Reste que même avant les versions XL, XLV (et peut-on s’attendre bientôt à une version L de l’album d’Harmonium qui n’a pas encore vu son propre coffret?), les albums originaux viennent encore chercher de nouvelles oreilles, de nouveaux esprits, de nouveaux admirateurs, autant d’ici qu’ailleurs.

Comme le disait l’endos du premier album du groupe, lancé en début 1974, Harmonium n’était pas seulement des musiciens parmi tant d’autres, (mais aussi) une musique pour tous nous autres. “Tous” peut-être au multiple. Ce n’est pas en référence du contraste entre les vedettes, imprésarios et personnes de politique bien habillés aux rangées d’en avant avec la plus grande part du peuple commun qui remplit les sièges au fond du parterre, ainsi que la mezzanine, le balcon et possiblement les loges, de culottes courtes et tenue décontractée saupoudrée çà et là de t-shirts Harmonium, un peu comme si on venait visionner un spectacle.

Assis avec trois amis et membres de la Famille Rock en première rangée de la mezzanine (merci encore, Muriel, Doc et surtout Larry d’y avoir pensé et d’avoir patienté).

Lors de l’émission spéciale, Anne-Marie Dussault se reprend à chaque fois qu’elle prononce le mot “spectacle” et remplace le mot offensif avec un autre, celui de “rituel”, un genre de rééquilibrage qui semble chercher plus grand que de simplement renier un sentiment de divertissement). Car c’est au long de l’hommage national (et même avant, grâce à la couverture médiatique RDI qui l’encadre) qu’on rend hommage à trois Fiori si je m’abuse. Ou plutôt trois facettes qui s’entrelacent davantage au fur et à mesure que le soi-dit rituel se déroule, chacune ayant son propre auditoire (dont certains admirateurs se retrouvent dans plus d’un camp).

Ces trois auditoires, parfois séparément, parfois tous à la fois, ont été accueillis et desservis pendant l’événement. En tout premier lieu et peut-être le plus grand miracle, après le fait d’avoir un hommage national pour Fiori, (ou possiblement s’être procuré des billets gratuits pour cet hommage), c’était le retour même pour un seul jour du légendaire groupe Harmonium. Tous les anciens membres apparaissent sur scène (sauf, un membre fondateur, Michel Normandeau, qui était en France et alors non disponible, Robert Stanley dont on dit mort en ignorant la date ou les circonstances et bien sûr le batteur Denis Farmer, décédé en 1993).

Le spectacle

Et quel meilleur choix comme première pièce que la seule composition complète du groupe (outre les musiques instrumentales de l’Heptade écrites par Neil Chotem) qui n’inclut pas la voix de Fiori: la belle suite instrumentale Histoire sans paroles bien que abrégée: tout le monde joue, même les deux joueurs d’instruments à vents qui se côtoient, Subirana et Pierre Daigneault. « Du jamais vu » nous souligne le bassiste et membre fondateur Louis Valois dans son témoignage suivant avec une larme fixée à l’oeil). S’ajoutent au groupe, le percussioniste Paul Picard, membre du groupe Maneige et Alex McMahon, qui a participé aux enregistrements du projet Seul ensemble, endisqué bien plus récemment en 2019. S’est joint plus tard le bassiste Guillaume Chartrain. Le seul qui manque du dernier groupe d’accompagnateurs de Fiori en studio serait Louis-Jean Cormier, duquel on joue un message préenrégistré de son studio.

Toujours étonné, on est davantage surpris lorsque entre sur scène Judi Richards, celle qui avait prêté sa voix lors de l’enregistrement original pour l’album Si on avait besoin d’une cinquième saison en 1975. Ce sont bel et bien les retrouvailles. Une cinquième saison pour Harmonium?

Savourons pleinement le moment avant d’en demander davantage. La voix de Monique Fauteux chante Le corridor et même Si bien du deuxième album solo de son ancien coéquipier. On a déjà décrit la voix de Monique comme âme soeur, voix soeur de celle à Fiori. C’est touchant que ce soit la sienne qui en premier chante sa pièce vedette au sein du groupe (la seule personne autre que Fiori lui-même qui a chanté des paroles en solo aux albums d’Harmonium) et ensuite ose offrir sa voix pour remplacer celle de Fiori.

Michel Rivard prend sa place à côté de Richard Séguin pour le classique Ça fait du bien, une pièce que le premier connaissait avant qu’une histoire d’amour l’a inspiré de partir pour la Belgique en soustrayant son nom du trio acoustique Fiori-Rivard-Séguin (ainsi que du projet qui est finalement apparu en 1978 comme le magnifique Deux cents nuits à l’heure et qui a vu le duo Fiori-Séguin s’atterir un peu plus loin que prévu).

Julie Valois-Fauteux (fille de Louis et Monique, ce couple formé pendant l’apogée d’Harmonium et toujours ensemble) et sa mère ajoutent leur voix à celles de Michel et Richard. Et plusieurs artistes de la relève offrent leur voix pour l’interprétation de pièces tirées du canon Harmonium. Philippe Brach à la deuxième moitié de Chanson noire. Marie-Pierre Arthur à Depuis l’automne. Klô Pelgag à Comme un sage. Et Mathieu McKenzie du groupe Maten à qui est donné l’opportunité de chanter une seule phrase du tout dernier projet Kwe! de Fiori. Projet qui voit Un musicien parmi tant d’autres chanté dans les onze langues autochtones au Québec, avant qu’on reprenne le texte original en choeur autant sur estrade que dans la foule.

L’influence de Fiori et l’amour de sa musique se démontrent toujours vivants, toujours présents, toujours pertinents.

Fiori s’était replié sur lui-même de façon semblable, son anxiété l’ayant transformé dans un genre de reclus situé au Saguenay/Lac-Saint-Jean, mais qui se présentait en public pour de bonnes occasions lorsque sa santé le permettait. Semble-t-il que son absence de la scène n’a fait qu’amplifier l’amour du public envers le musicien pourtant parmi tant d’autres. Selon les réflexions sur la journée de Réal Desrosiers, batteur du groupe Beau Dommage et ami d’enfance de Serge. Et d’ailleurs son ancien coéquipier au groupe Morphus avec le futur directeur artistique d’Harmonium le temps de leurs deux premiers albums, Fred Torak), « on sent que Serge est aimé énormément, plus qu’y pensait… » C’était très touchant, surtout pour quelqu’un qui l’a connu pour 65 ans.

Alors, vous dites, ces trois facettes de Fiori, elles sont quoi?

Un ami et son humour

Et bien premièrement, il y a le musicien qui est également ami, d’un côté à ses confrères et consœurs musicaux de l’époque que dénote Michel Rivard, à l’époque membre du groupe Beau Dommage. D’un autre côté, Fiori était aussi un ami (du moins imaginé) à tout auditeur séduit par la chaleur de sa voix, par l’approche personnel du “tu” dans ses textes et par l’amour qu’il a tant dégagé à son public sur scène. Des témoignages de Michel Barrette et Normand Brathwaite confirment ce que l’on n’aurait possiblement jamais cru. Non seulement qu’il était possible pour un fan de Fiori de devenir son ami, mais peut-être même de l’entendre chanter dans soit la chambre, soit le salon de soi. Et encore mieux de dire Luc Picard « pour l’humour de Fiori, semble-t-il, lorsque notre fils était présent afin de demander qu’il ne chante pas “celle-là,” mais de chanter “l’autre.” »

On nous apprend d’un Fiori qui rejoignait le monde de chez lui via Facetime, qui s’obstinait, qui blaguait, qui (selon Barrette) était « tendre et doux, engagé, mais drôle, mais drôle, les fous rires qu’on avait, alors Serge je t’avoue ce soir, je ne l’avais jamais dit, t’étais vraiment une des personnes des plus drôles que j’ai vu de ma vie. J’voulais pas que tu voles ma job, mais là j’peux te l’dire. »

Fiori, de bons amis avec des humoristes? Juste pour rire? Selon Desrosiers, après l’hommage national lorsque l’animatrice Anne-Marie Dussault a soulevé la soi-dite improbabilité de telles amitiés, « Mais c’est un gars tellement ouvert qu’il est ouvert à l’amitié de tout l’monde, t’sais. » (Comme si Serge était toujours là.) Et c’est sans doute la raison qu’on a vu de divers visages apparaître pendant l’hommage, que ce soit Rivard, Séguin, Valiquette, Piché et possiblement même le bassiste Mario Légaré et l’écrivain François Morency (regardez le défilé de chandelles au début pour ce dernier, ainsi qu’au chant de choeur au coda de la pièce Un musicien parmi tant d’autres pour les deux).

Le gourou

Deuxièmement, il y a le gourou malgré lui. On s’excuse vite à chaque fois qu’on ose prononcer le mot à la couverture médiatique RDI. On connait maintenant l’histoire: « Fiori ne pouvait supporter qu’on le traite ainsi, tant il avait le désir de plaire à son auditoire, tant il avait peur de décevoir » comme le souligne Valois avant l’événement: «Serge, c’est un chanteur, c’est un auteur-compositeur, y veut…c’était son âme…y veut pas être le gourou d’la terre, là, t’sais; pis j’l’ai vu aller, on se regardait souvent sur scène et….» Louis cherche ses mots et l’animatrice cherche trop vite à les trouver pour lui: « Pis vous vous souriez. » « Toujours, toujours, mais y avait ça, il y avait une connivence-là. Il avait peur de décevoir

Toutefois, on ne pouvait pas s’en passer, les funérailles publiques du musicien, du créateur de l’Heptade s’enrobent d’un teint mystique, sans doute grâce à Dominique Champagne, réalisateur- concepteur de l’événement qui n’a eu que neuf jours pour le préparer.

Denis Champagne, Marc Pérusse, Réal Desrosiers, Louis Valois et Pierre Seguin.    Photo: Jean-Charles Labarre

Ceux qui osent qualifier Fiori de gourou avant et pendant l’hommage national sont tous des hommes de politique: l’ancien maire de la ville de Québec, Régis Labeaume. Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon. Le premier ministre François Legault. Et d’autres partagent des expériences avec le maître qui affichent le mot “gourou” sans le prononcer.

  • La suite de l’article: Serge Fiori, le fervent nationaliste. À suivre.

P.S. La majorité des photos de l’article ont été prises de la captation télévisée (Radio-Canada) de la cérémonie nationale en hommage à Serge Fiori.

 

Fabriqué au Québec
Basé à Montréal, capitale mondiale du rock francophone

Photo de bannière: Muriel Massé
INFOGRAPHE: MURIEL MASSÉ
WEBMESTRE: MARCO GIGUERE
RÉDAC’CHEF: MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE

Merci de nous aider en contribuant à notre campagne de financement. Si vous songiez à appuyer notre site, c’est maintenant, c’est ici. Chaque contribution, qu’elle soit grande ou petite, aide à notre survie et appuie notre avenir. Appuyez Famille Rock pour aussi peu que 5 ou 10 $ – cela ne prend qu’une minute. Merci

Click to comment

You must be logged in to post a comment Login

Laisser un commentaire

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

Archives

Compteur

  • 728 444 Visites

Suivez-nous

To Top

Honorons Nos Survivants Pleurons Nos disparus

Basé à Montréal, capitale mondiale du rock francophone!

Fabriqué au Québec!

Pour Un Monde Meilleur!