Une soirée avec Pierre Harel
Théâtre La Marjolaine, le 28 septembre 2025
Publié le 11 octobre 2025
Texte: Elyzabeth Walling Photos: Georges Dutil
Pierre Harel: le Kerouac du rock québécois célébré au Théâtre La Marjolaine
Il y a des soirées qui marquent une vie, et celle du 28 septembre au Théâtre La Marjolaine en fut une. Sous le signe de la mémoire, de la musique et de l’amitié, le public a célébré Pierre Harel, réalisateur, acteur, écrivain, musicien… mais surtout l’un des pères du rock québécois.
C’est le photographe Pierre Dury qui a trouvé les mots justes pour décrire son ami : « Pierre Harel, c’est notre Kerouac québécois ». Une formule qui lui colle à la peau. D’ailleurs, Harel a bien croisé Jack Kerouac lorsqu’il était enfant, une rencontre brève mais gravée dans sa mémoire. Et comme Kerouac, il a tracé un chemin hors normes, libre, indomptable.
Les confidences d’un pionnier
Sur scène, fidèle à lui-même, Harel s’est livré avec l’honnêteté brute qui le caractérise. Il a partagé des confidences sur la genèse d’Offenbach, de Corbeau et de Corbach. Tout a commencé alors qu’il travaillait sur son film Bulldozer et cherchait une trame sonore. Un jour, il entend Gerry Boulet chanter avec son groupe qui faisait surtout des interprétations de chansons américaines. Il entend Gerry qui improvise et quand il lui demande ce qu’il chante « Je ne dis rien en particulier, je fais juste jammer », lui dit Gerry. Mais Harel, visionnaire, lui répond : « Chante le en québécois! » Ce fut l’étincelle. À l’époque, l’idée ne faisait pas l’unanimité. Mais des années plus tard, on mesure l’impact historique de ce choix : faire du rock en québécois.
Des archives inédites et des moments intenses
La soirée a été ponctuée de vidéos d’archives peu connues: de son premier rôle dans le film de Gilles Groulx, de la Messe des morts à l’Oratoire St-Joseph, des débuts de Marjo, projetées devant un public enthousiaste. Parmi elles, une séquence bouleversante où Harel chante Faut que j’me pousse, accompagné d’un piano qui jouait… tout seul. Une mise en scène rappelant la présence invisible de Gerry Boulet, à qui il avait offert cette chanson composée alors que Pierre n’avait que 18 ans.
Un autre moment fort fut l’improvisation d’une jeune spectatrice au piano. Harel, en pleine interprétation d’une nouvelle chanson, lui a laissé carte blanche pour créer une trame sonore en direct. Ce passage spontané rappelait ses spectacles Félix en colère et ses débuts, lorsqu’il assurait l’ouverture des concerts de Félix Leclerc. « Félix me donnait toujours un peu de gin avant que je monte sur scène, en me disant que c’était bon pour la voix », s’est-il souvenu avec humour, déclenchant des éclats de rire complices dans la salle.
Une équipe complice et une salle de légendes
Je n’avais pas imaginé que l’organisation de cette belle soirée m’aurait demandé autant d’énergie en si peu de temps, mais la joie de partager ces moments uniques avec tous a largement recompenssé chaque effort. Cet événement n’aurait pas eu la même ampleur si je n’avais pas eu la précieuse complicité du maestro Raynald Nadeau, à la sonorisation et aux percussions et de Stéphane Caron, maître du visuel ,– affiche, éclairage, caméra et photos. Ensemble, nous avons voulu façonner une atmosphère intime et vibrante, à l’image de notre invité.
Un immense merci à Marc-André Coallier, pour l’accueil dans son magnifique Théâtre La Marjolaine, lieu chargé de mémoire qui a donné à cette rencontre, avec le piano rouge laissé en héritage par Claude Léveillée, une aura toute particulière.
Et dans la salle, plusieurs figures marquantes de notre culture étaient présentes pour rendre hommage à leur ami et collègue Pierre Harel: Lyse Lafontaine (Léolo, Camping sauvage), productrice de son premier film Bulldozer, François Cousineau, complice de multiples trames sonores au cinéma. Il crée aussi deux comédies musicales qui deviendront des succès retentissants au Théâtre de la Marjolaine. Premier théâtre à produire des comédies musicales francophones d’origine canadienne: Crackpot (1970) et Mascarade (1971). Étaient aussi présents Pierre Dury, photographe et réalisateur du vidéoclip de Pierre Harel Rock ma vie, ainsi que Georges Dutil, mon ami de toujours qui a eu la générosité de signer de magnifiques photos de la soirée. Tous réunis pour saluer l’homme et l’artiste.
Hommages et célébrations
La soirée s’est ouverte avec une réinterprétation de Câline de blues, pour souligner les dix ans de son intronisation au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens. On a aussi rappelé les vingt ans de son livre Rock ma vie, devenu incontournable pour comprendre l’esprit rebelle et libre de ce pionnier.
Enfin, comme un feu d’artifice, la soirée s’est terminée avec l’incontournable Chu un rocker. Lorsque Pierre a entonné :
« Chu un rocker, chu un rouleur
Que’ques fois, j’oublie qui je suis
Mais je r’viens toujours au rock’n’roll »
… la salle entière tapait des mains, entrainée par cette énergie contagieuse.
Un souvenir personnel
Pour ma part, j’ai été profondément touchée de partager la scène avec Pierre. Chanter avec lui, dans ce théâtre mythique, fut un moment suspendu – une rencontre entre mémoire et présent. D’avoir pu entonner un morceau ensemble reste pour moi un cadeau inestimable!
Le rocker éternel
Ce qui frappe chez Pierre Harel, au-delà de son immense contribution au rock québécois, c’est sa résilience, sa générosité et sa capacité à rester lui-même. Pas de faux-semblants. Il dit les choses comme elles sont, parfois avec humour, parfois avec passion, et toujours avec cette fougue qui, à plus de 80 ans, ne faiblit pas.
La prestation a été filmée. Peut-être la verra-t-on bientôt? En attendant, tous ceux qui étaient présents repartent inspirés avec un souvenir gravé : celui d’avoir célébré ensemble un pionnier, un frère d’armes, un artiste qui, depuis Offenbach jusqu’à aujourd’hui, n’a jamais cessé de nous rappeler que le rock, au fond, est une manière de vivre.
Et Pierre Harel, plus que quiconque, en est la preuve vivante !
Fabriqué au Québec
Basé à Montréal, capitale mondiale du rock francophone
Photo de bannière: Georges Dutil
INFOGRAPHE: MURIEL MASSÉ
WEBMESTRE: MARCO GIGUERE
RÉDAC’CHEF: MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE
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