Les Musiciens Méconnus 11
Frank Zappa 1965 à 1971
Publié le 22 février 2023
Par Mike Lacombe
Frank Vincent Zappa ou le génie musical
Salutations ! L’artiste qui fait l’objet de ma chronique Les Musiciens Méconnus, doit être considéré comme étant au sommet de l’univers des musiciens. Le maître de l’art du sarcasme, mais aussi le génie musical, qui presque 30 ans après sa mort, est toujours considéré comme le Leonardo Da Vinci de la musique contemporaine. Je vous présente avec une frénésie sans bornes, le grand Frank Zappa.
L’italo-Américain !
Frank Zappa est le fils d’immigrant italien de par son père (Francis Vincent Zappa) et Libanais de par sa mère (Rose Marie Colimore). Il voit le jour le 21 décembre 1940 à Baltimore (USA). Il est l’aîné de 4 enfants et dès son tout jeune âge, il s’intéressa à la musique grâce notamment aux disques 78 tours qui étaient disponibles chez lui.
Ces disques étaient du compositeur de musique d’avant-garde Edgar Varèse, du compositeur Anton Webern et du compositeur de musique classique Igor Stravinsky. Plus tard. Zappa dira d’Edgar Varèse qu’il est »le plus grand compositeur que le monde ait connu ». L’influence de Varèse se manifestera tout le long de la carrière de Frank Zappa. Il a été, d’après moi, le plus grand ‘’Fan’’ de Varèse et grâce à lui, sa musique est toujours vivante aujourd’hui.
La batterie ou la guitare?
Pour les adeptes de musique, Frank Zappa, restera toujours le guitariste aux longs solos de 8 à 10 minutes avec des notes à la sonorité complètement différentes des autres guitaristes de son époque. Le fait est que Frank Zappa commença sa carrière comme batteur et non comme guitariste. Un excellent percussionniste s’il en est un.
1956
Frank Zappa à la batterie avec The Blackouts
Vous n’avez qu’à demander à l’un de ses anciens batteurs, le batteur Chester Thompson (Weather Report, Genesis, Santana, Bee Gees, Phil Collins), qui lui vous racontera que, lors d’une répétition avec le groupe, il n’arrivait pas à faire une ‘’passe’’ de drums et qu’il ne comprenait pas, et ne pouvait pas imaginer la façon que Frank l’avait écrit.
Voyant que Thompson n’arrivait pas à faire ce qu’il voulait, Frank pris une baguette des mains de Thompson et de l’autre côté de la batterie et d’une main seulement fit la passe de drums demandé, et dit à Thompson ‘’Tu vois, ce n’est pas plus dure que ça’’. Thompson dira de Zappa lors du documentaire de 2016 The Drummers of Frank Zappa, qu’il a appris beaucoup de Frank, et qu’il n’avait jamais autant travaillé de toute sa carrière de batteur ni avant, ni après.
Chester Thompson parle de son audition pour Zappa
Frank débuta donc sa carrière de musiciens comme batteurs dans différents groupes de R&B. Plus tard, et avec son ami d’enfance Don Van Vliet (Captain Beefheart) il s’initia au Blues de T-Bone Walker (l’influence qui le mènera vers la guitare), mais demeurera toujours aussi un adepte de la musique ‘’Doo Wop’’ et ce tout le long de sa vie. Cette influence l’amènera à écrire plusieurs pièces au fil du temps qui auront cette sonorité très années ’50.
The Mothers of Invention
Zappa fonda le groupe The Mothers fin 1965. The Mothers se veut un diminutif de Mother Fuckers (oublions la traduction si vous le voulez bien). Le nom ne plaisait pas beaucoup à la maison de disque Verve. Il ne faut pas oublier que Verve Records était une maison de disques respectable et reconnue dans le milieu du jazz. Donc après un court consensus, et surtout parce que Zappa avait signé un premier contrat de disque avec Verve, le groupe fut rebaptisé, The Mothers of Invention. La première incantation du groupe se lit comme suit : Frank Zappa (guitares et voix), Jimmy Carl Black (batterie), Ray Collins (voix, cymbales, harmonica), Roy Estrada (basse et voix), et Elliot Ingber (guitare). À noter que Elliot Ingber deviendra le guitariste du Magic Band qui lui aussi changera de nom pour devenir le Captain Beefheart & his Magic Band.
Cette première formation des Mothers of Invention, donna naissance à l’un des disques les plus influents de toute l’histoire de la musique, et j’ai nommé Freak Out (1966). Ce premier opus des Mothers of Invention produit par Tom Wilson, qui se voulait un album double (le deuxième de l’histoire car une semaine auparavant Bob Dylan avait sorti Blonde on Blonde lui aussi un album double), était teinté de sarcasme, d’humour et est toujours considéré aujourd’hui comme le premier album concept de l’histoire du rock. Un album avec une résonnance moderne, bluesy, garage rock, et aussi avant-gardiste.
Des chansons comme Help I’m a rock, une expérimentale formidable avec un beat disjoncté ou Trouble Everyday, un rock très 60’s surf music, qui se rapproche aussi du blues que Zappa adorait, ça donne le ton à cet album. Avec Trouble Everyday, on parle ici de l’instabilité des années 60 avec des paroles comme : That there’s no way to delay that trouble comin’ every day, no way to delay that trouble comin’ every day. Une affirmation tout à fait dans le ton des années 60.
Zappa rendra hommage sur cet album à son idole Edgar Varèse mort l’année précédente en 1965 avec la chanson The Return of the Son of Monster Magnet qui fera l’objet de toute une face de l’album double. Un excellent album, mais peut-être un peu dur à l’oreille pour tous les débutants voulant découvrir Frank Zappa. Je vous partagerai mes choix d’albums de découvertes au cours de cette chronique.
Absolutely Free (1967) et We’re only in it for the money (1968)
Fort d’un succès mitigé, The Mothers of Invention retournèrent en studio avec toujours comme producteur Tom Wilson. Wilson n’apparaissait pas très intéressé par le projet et Frank lui offrit de produire l’album lui-même, ce que Wilson accepta sans hésiter. A partir de ce moment pivot, Zappa devint le producteur de tous les albums des Mothers of Inventions et de tous ses propres albums solos. Absolutely Free fut enregistré dans de conditions exécrables. La compagnie MGM ne leurs accorda que 11,000$ de temps de studio, donc aucun temps de mixage.
Zappa a dû organiser de longues sessions interminables, pour faire certain que les chansons soient à leurs mieux n’ayant pas le temps de faire les retouches (overdubs) nécessaires. En produisant cet album avec une main de maître, Frank a pu démontrer tout son savoir-faire et son ingéniosité. Le résultat en est un de sonorité nouvelle et fortement apprécié. De grands classiques des Mothers se retrouvent sur cet album. On a qu’à penser à Call Any Vegetable, Brown Shoes don’t Make It, Big Leg Emma, ou à la légendaire Plastic People, qui elle sera jouée en spectacle pendant de nombreuses années.
L’appareil musical de Zappa se raffina sur cet album. Il eut recours à de nombreux musiciens qui le suivront pour un bon bout de chemin. Se joignirent aux Mothers of Invention, Ray Collins (guitares et voix), Don Ellis (trompette), Bunk Gardner (bois), Billy Mundi (batterie et voix), Don Preston (claviers et voix), John Rotella (percussions), Jim Sherwood (guitare, voix, et vents), Pamela Zarubica (voix).
We’re only in it for the money fut quant à lui enregistré avec un ton aigue de sarcasme sur tout ce qui rappelait le mouvement hippie. Ce mouvement de la fin des années ’60 que Zappa a toujours trouver faux (fake). La pochette de l’album est une copie de l’album des Beatles SGT Peppers, mais à l’inverse. Donc l’extérieur de la pochette est une copie frimée de l’intérieur de SGT Peppers et l’intérieur de la pochette est la copie de l’extérieur de SGT Peppers avec l’assemblée de gens célèbres comme sur SGT Peppers. Voir les photos pour mieux comprendre.
L’album fait partie d’un livre de références musicales écrit par Robert Dimery, 1001 Albums You Must Hear Before You Die. Deux nouveaux musiciens se rajoutent au groupe, Ian Underwood (piano, claviers, back vocals et cuivres), et Euclid James « Motorhead » Sherwood (saxophones soprano et baryton).
Lumpy Gravy (1968)
Les albums de Frank Zappa ont tous une importance historique, mais lorsque Lumpy Gravy devient le premier album solo de Zappa en 1968, il ne regardera plus en arrière et cherchera toujours à améliorer son groupe en engageant les meilleurs musiciens disponibles de l’époque. Plus de 65 musiciens et chanteurs (avec Emuukha Electric Symphony Orchestra) font partie de cet album. Tous les musiciens des Mothers of Invention y sont recensés, ainsi que l’épouse de Frank et mère de ses 4 enfants Gail Zappa. The way I See It Barry et la suite Duodenum ne font que vous préparer à la chanson Oh No qui est une autre des chansons immortelles de Zappa et une favorite des amateurs de Frank Zappa.
Oh No, 1970, album Weasels Ripped My Flesh
Je ne ferai pas la discographie de Frank Zappa en entier car il y en aurait pour plusieurs heures de lecture (plus de 65 albums), mais je vais faire un survol de ce qui devrait être écouté par les amateurs de musique.
Il existe au sein de la famille Zappa (Zappa Estate), dans leur maison d’un quartier très connu de Los Angeles, un sous-sol que l’on surnomme The Vault et d’où le ‘Vaultmaster’ Joe Travers sort de temps à autre des albums de pièces inédites ou de spectacles live. Au moment de vous écrire il y’a environ 120 albums qui ont été édités. Frank Zappa a enregistré pratiquement toutes les prestations qu’il a fait et toutes les chansons en studio aussi. Donc beaucoup de matériel inédits et incroyablea. Le ‘’Zappa Estate’’ sort au compte-gouttes les nouvelles chansons, mais depuis 2017, ils ont commencé à en sortir assez régulièrement, et ce au grand plaisir des amateurs du génie qu’est Frank Zappa.
La fin des Mothers
Les Mothers vont enregistrer deux autres albums avec le personnel original dont Cruising with Ruben and the Jets et Uncle Meat, toujours considéré comme un album expérimental. Cruising est un hommage au style Doo-Wop que Zappa adorait dans sa jeunesse. Plusieurs chansons sont de grands classiques de Zappa. Cheap Thrill, Love of my Life, No no no et Fountain of Love ne sont que quelques exemples de l’amour de Zappa pour les différents styles, dont le Doo-Wop.
La liste des albums suivants est importante à mes yeux puisqu’il y’a le premier album de Zappa que j’ai eu la chance d’écouter à 11 ans dans la chambre à coucher de la sœur de mon meilleur ami Serge Beaudoin. Merci Ginette pour cette découverte.
Hot Rats (1969)
Ceci est le deuxième album solo de Frank. Il est du début de l’intro de Peaches in Regalia en passant par la très heavy Willie the Pimp, et en se terminant avec It Must be a Camel, l’album que je préfère de Frank.
Considérant que c’est le premier album que j’ai entendu de Zappa, il doit y avoir une certaine relation entre le fait que j’ai une préférence marquée pour Hot Rats, et le fait qu’a 11 ans j’entendais I’m a little pimp with my hair gassed back pair of khaki pants with my shoe shine black. Avouez que vous l’avez chantonné ce petit bout de phrase. Dans les albums qui sont à découvrir pour les néophytes, je vous recommande cet album sans aucune hésitation.
Suivront dans l’ordre Burnt Weeny Sandwich (1970), Weasels Ripped my Flesh (1970), Chunga’s Revenge (1970), et l’album Live Fillmore East: 1971.
1970
Le Fillmore East est sans contredit le meilleur de ces quatre albums du groupe car on y retrouve tout ce que le show de Zappa était. Que ce soit le sarcasme, les blagues à double sens, les déguisements vaudevillesques ou tout simplement la folie de la musique de Frank, tout y était.
Une spectatrice très intéressée par ces spectacles, et qui deviendra un ajout important au band de Zappa, était dans la salle à toutes les représentations du soir. Elle fera partie de l’histoire de Frank pendant de nombreuses années. Qui est-elle? Vous le saurez en lisant un peu plus.
1971
200 Motels ou la folie sans moyens (1971)
1971 voit aussi Frank se tourner vers le cinéma. Même s’il avait déjà filmé avec sa caméra de voyage plusieurs images qui sont aujourd’hui d’importance et qui font partie de l’historique de Zappa, 200 Motels lui donnera la chance de filmer avec de vrais professionnels. La prémisse de ce film est basée sur la vie d’un groupe rock sur la route, et de tous ses aléas. Que ce soit les groupies qui font partie de la vie de Zappa depuis très longtemps déjà, les répétitions, les hôtels, la bouffe et les diverses embûches qui peuvent arriver lorsque l’on est un amalgame de ‘’Misfits’ vivant dans un autobus de tournées.
Le groupe de Zappa connut de grands changements à cette époque. En effet, depuis quelques mois déjà, Mark Volman et Howard Kaylan deux des membres fondateurs et chanteurs du groupe The Turtles se joignirent à eux ainsi que la fabuleuse percussionniste Ruth Underwood, (c’est elle qui était dans la salle à tous les soirs) le fantastique claviériste George Duke, et le non moins aussi extraordinaire batteur Aynsley Dunbar. Tous les membres des Mothers of Invention font partie de la distribution, accompagnés de Ringo Starr qui agit comme comédien et qui même à un certain moment, est déguisé en Frank Zappa descendant du ciel. On peut entendre au moment de l’entrée de Ringo le narrateur Theodore Bikel dire : Tonight Ringo Starr is dressed like Frank Zappa. Les initiés sauront reconnaitre la scène.
Pour ce film, Zappa écriera les arrangements pour orchestre symphonique. N’ayant plus les fonds nécessaires pour aller en studio et enregistrer la trame sonore avec un orchestre, et pour être bien certain de la réussite de son projet, il engagea l’orchestre symphonique britannique le Royal Philharmonic Orchestra de Londres avec le chef d’orchestre Rudolf Kempe. Zappa qui était autodidacte au niveau de l’écriture pour orchestre, eu beaucoup de difficultés à faire comprendre aux musiciens de formation classique ce à quoi il s’attendait. À l’écoute de cette trame sonore, on comprend très rapidement le génie musical qu’est le grand maître Frank Zappa.
Toute la trame des musiciens de l’orchestre symphonique est live. Un petit rôle de soutien est aussi donné au batteur Keith Moon. Ce film est la fin pour les Mothers of Invention dans sa version originale. Mais ce qui se préparera bientôt, sera d’après moi la meilleure incantation du band de Frank Zappa.
Smoke on the Water
Le 4 décembre 1971 alors que les Mothers originaux se produisait au Casino de Montreux en Suisse, un hurluberlu décida de tirer une fusée de détresse (flare gun) au plafond. En l’espace d’une minute le feu se propagea partout dans l’amphithéâtre. Ce feu fera partie à tout jamais de l’histoire du Rock puisque de l’autre côté de la rue, le groupe Deep Purple qui était à l’hôtel à ce moment, furent des spectateurs de première loge vis-à-vis ce feu. Ils composèrent d’ailleurs une chanson qui peut être considérée comme l’hymne incontesté du Rock & Roll pour tous les apprentis guitaristes des années 70, Smoke on the Water.
La phrase la plus reconnaissable de cette chanson est celle-ci: Frank Zappa and the Mothers were at the best place around but some stupid with a flare gun burned the place to the ground. Phrase mythique s’il en est une.
Une semaine plus tard à la fin d’un concert au Rainbow Theater de Londres, Zappa est précipité en bas de l’estrade, d’où il se produisait avec les Mothers, par un fan survolté qui réussit à se lancer sur Frank et le pousser dans la fosse à orchestre. Le névrosé fan expliqua son geste parce que d’après lui, la prestation avait été plutôt mauvaise ou médiocre, au mieux, et qu’il n’aimait pas le regard de Zappa sur sa petite amie. Frank eut plusieurs lacérations, le bassin fracturé et de nombreuses autres fractures, sans oublier un traumatisme crânien qui l’obligera à se déplacer en chaise roulante pendant une année. Cela lui donna la chance d’écrire sans relâche pendant un an.
Fin de la première partie.
BANNIÈRE: THOMAS O’SULLIVAN
WEBMESTRE: MARCO GIGUÈRE
RÉDAC’CHEF: MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE
Fabriqué au Québec
Basé à Montréal, capitale mondiale du rock francophone
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