Spectacles

Blue Rodeo Montréal

Blue Rodeo
Festival de jazz de Montréal 2025
Publié le 29 juin 2025

Par Glen Bourgeois

Blue Rodeo: les retrouvailles d’un Canadien nomade et un spectacle merveilleux

C’est en 2014 que le cinéaste Millefiore Clarkes tourne un court-métrage documentaire du groupe alternatif-country canadien Blue Rodeo. À première vue, on ne peut voir que des musiciens sympathiques qui ont tant coursé le pays de l’Atlantique au Pacifique que toutes les provinces leur sont familières.

Des images de paysages enneigés, de trains CN, de routes innombrables et bien de fans contents en train de chanter leurs pièces préférées du groupe. Le tout est une image presque stéréotypique du Canada. J’ai même cru voir le fameux logo de la chaîne resto Tim Horton’s! On y voit
également un moment devenu cliché (mais toujours bien apprécié), les deux chanteurs du groupe, Greg Keelor et Jim Cuddy qui dirigent la foule à travers le premier verset et refrain de leur succès des années 90, Hasn’t Hit Me Yet. D’origine, présenté à l’occasion de la remise des prix du Gouverneur Général pour les arts du spectacle en 2014. Il est toujours disponible en ligne grâce à l’Office National du Film.

Le cynique pourrait bien présumer qu’il y a des embellissements lors de ces six minutes de présentation pendant lesquelles les membres du groupe font le regard arrière typique d’une carrière qui date depuis 1984.

Des membres qui apparaissent aux deux premiers albums, Outskirts lancé en 1987 et Diamond Mine, en 1989. Seuls Cuddy, Keelor et le bassiste Bazil Donovan sont toujours présents: le batteur Cleave Anderson quitte le groupe qui se prépare à partir en tournée prolongée, afin de retenir son emploi comme livreur de courier chez Postes Canada… y a-t-il un emploi plus canadien que celui-là? Et le claviériste Bobby Wiseman débarque quelques années plus tard afin de poursuivre une carrière solo.

Mais le taux de roulement qui suit est bien modeste pour un groupe qui roule sa bosse depuis quarante ans et qui n’ont que deux vedettes auprès des yeux du public en général. Le batteur Glenn Milchem est là depuis 1991, le claviériste cadet Michael Boguski, depuis 2008. Seul le benjamin multi-instrumentaliste Jimmy Bowskill date de moins d’une décennie (arrivé en 2017). Le départ de Greg Keelor en 2016 (accablé de bourdonnement d’oreilles chronique) menace la déstabilisation. Mais on persévère, le repos forcé de la pandémie remet les choses en perspective. Les noeuds sont refaits et c’est le retour de Keelor au groupe le plus typiquement canadien qu’on ait jamais vu. Ce que contesteraient sans doute les fans du quintet The Tragically Hip, mais que voulez-vous, tout en offrant mon respect au regretté M. Downie et ses collègues et proches amis, je vais oser dire que Blue Rodeo rejoint davantage de gens grâce à leur triple identité, soit rock, country et psychédélique.

Le spectacle

C’est lors d’un soir de fin juin menacé de pluie, qu’une foule remplit l’espace entière de la Place des Festivals au centre-ville de Montréal. On ne voit pas la fin à l’oeil nu, (bien que la cervelle puisse calculer la borne prévue), afin de jumeler leur voix aux meilleurs succès du groupe. C’est
compris, on n’ambitionne pas avec le setlist lors d’un spectacle gratuit qui attire autant les fans finis que ceux qui ne connaissent le groupe qu’à travers leurs classiques. Je suis en avant-scène pour les deux premiers titres, soit Five Days in May de l’album Five Days in July de 1993 et Rose Colored Glasses de leur premier album Outskirts.

À ma surprise, personne de la foule semble irrité de ma présence intruse, moins d’un quart d’heure avant le début du show. Aux pieds du guitariste/choriste Colin Cripps (arrivé en 2012), je note un son bien léché et professionnel. Je m’aperçois également le manque des chœurs de Greg Keelor à la première pièce, chantée par Jim Cuddy. Je suis assez près afin de voir le petit sourire intrigué de ce dernier lorsqu’il s’en aperçoit également. Ce ne serait pas long avant qu’on entende toutes les voix. Sous peu, c’est au tour de Cripps à voler la vedette déjà avec son solo. Les sourires sont vite présents sur estrade, j’en ai la preuve dans mes photos.

Pendant Rose Coloured Glasses, je me repositionne près de Keelor, qui me lance un sourire en me voyant chanter et danser de sorte en prenant mes photos. Je lui lance un Hey Francis! d’un gars du Cap-Breton à un autre (note: Keelor fut né Francis MacIntyre en Nouvelle-Écosse à une jeune mère adolescente sans mari qui le propose à l’adoption, fait que Keelor n’apprend que lors des années 90). J’ai vite réalisé qu’il ne m’avait pas entendu, mais tant pis: il paraissait absolument content d’être sur scène, autant que moi de le voir.

Suite à la deuxième pièce, on nous avise de quitter l’avant-scène: j’en profite afin de prendre une photo de la foule avant de me déplacer à la loge média. Il y a des gens partout, des caméras, sur le parterre, aux escaliers, absolument partout: pour un moment, je me sens petit. Personne n’est méchant: tous sont ici pour le show. Pour Blue Rodeo.

Assis en loge dans une chaise, je m’aperçois que les sonorités aïgues qui perçaient les oreilles lors du spectacle jazz précédent sont disparues. Je réalise également comment les gens autour de moi sont de bonne humeur. Bien sûr, c’est plutôt facile lorsqu’on a un bar auprès et bien de chaises auxquelles on peut s’asseoir. Je ressens que l’alcool n’est pas en évidence: il s’agit plutôt d’un calme serein et joyeux, un peu comme on le serait en voyant des amis tirer bénéfice d’un succès bien mérité. Il y a plusieurs fans du groupe près de moi, y inclus deux assis à ma droite qui chantent aussi forts que moi aux bons moments. Et petit à petit, je m’aperçois qu’il y a réellement une magie qui semble émaner de l’estrade.

Je contemple un groupe que j’ai parfois adoré (surtout les albums Diamond Mine, The Days in Between et The Things We Left Behind, parfois mal enduré, les chansons Hasn’t Hit Me Yet et surtout Bad Timing étaient bien trop présentes à la radio lors des années 90, au point que je savais précisément où aboyer avec le chien intrus lors de la première. 

J’arrive à la réalisation, les musiciens de Blue Rodeo sont absolument au sommet de leurs pouvoirs ce soir… du moins, je ne les ai jamais mieux captés et ils n’ont jamais sonné mieux à mes oreilles. Même lors des pièces que j’ai trop entendues à la radio.

Les succès s’enchaînent, avec emphase majeur aux années 90 et seule la pièce New Morning Sun de 2013 provenant du 21e siècle. En y réfléchissant, il est possible que I Can’t Hide This Anymore de 2016, y est également apparu, (évidemment, je ne prenais pas de notes pendant le
spectacle).

Les refrains ressemblent à des slogans auxquels je ressens une obligation de chanter en choeur: « Trust yourself and don’t believe in any more lies… Hey hey, I guess it hasn’t hit me yet… It could happen to you… » Même The Railroad offre une résonance, une reprise de Lee Hazlewood chantée par Keelor et qui voit la forte majorité du groupe en appel-réponse lors du refrain. Le tout est bien percutant, bien stimulant, presque même enivrant.

Photo: Muriel Massé

Je ne me rappelle pas la dernière fois que j’ai tant ressenti l’euphorie comme membre du public à un spectacle. Je commence à craindre que j’ai trop été exposé aux odeurs épicées qui émanent quelque part de la foule au-delà des barrières de la loge. (Ne ressentissent pas d’effets néfastes le lendemain matin, je conclus que c’était bel et bien un effet de la musique.

Chacun des musiciens ont leur tour: un solo de basse de Donovan, un de Milchem à la batterie. Le groupe se réduit en trio jazz pour le solo d’orgue à Boguski pendant la pièce Diamond Mine. Cripps domine aux solos de guitare, mais n’empêche que Cuddy et Keelor aient chacun leur tour.

 Et Jimmy Bowskill charme à la guitare pedal steel, rejoint Cripps à quelques reprises lors de passes harmonisées à la façon des Eagles aux guitares, s’empare bien de la mandoline et ressort même un jeu de violon assez modeste mais efficace le temps d’une pièce.

Photo: Muriel Massé

Les Merci beaucoup prononcés à l’accent neutre du parlement canadien émanent de Cuddy et de Keelor: le premier ose même prononcer une phrase complète ou deux dans la langue de Molière. Keelor nous partage ses réflexions de pouvoir retourner à Montréal, lieu où il a passé une portion de sa jeunesse (c’est de mes premières nouvelles… Cap-Breton, Montréal, Toronto… est-ce qu’il a vécu partout au Canada?)

Les tempos des pièces sont souvent plus vites, plus énergétiques (même lors du premier rappel, Try, la ballade classique qui a mené au groupe son premier succès. Et oui, on reprend le cliché de faire chanter la foule au début de Hasn’t Hit Me Yet, mais absolument personne ne se plaint (même pas moi, qui frémissait autrefois lorsque venait cette section de leur album live Just Like a Vacation qui tournait en magasin).

Photo: Muriel Massé

Somme toute, un spectacle exceptionnel qui pourrait facilement se trouver mon meilleur moment du Festival cette année (bien qu’il en reste encore beaucoup d’autres).

Le groupe revient à la Salle Wilfrid- Pelletier en janvier 2026 pour le 40e anniversaire de l’album Lost Together. Les billets sont déjà en
vente: si ce spectacle du Festival sert de preuve, c’est absolument à ne pas manquer.

Je peux confirmer de mes propres expériences à côtoyer ce groupe, parfois par accident, une conversation à l’improviste en arrière-scène avec le batteur Milchem en janvier 1998, lors du load-in et setup pour d’origine une performance à laquelle s’ajoutent vite deux autres, toutes à guichet fermé. D’autres longues discussions amicales en juillet 2004 avec Cuddy et le claviériste regretté James Gray (en arrière-scène lorsque Blue
Rodeo est en tête d’affiche tout près du village natal de Keelor). Encore une brève conversation avec Cuddy suite à ce magnifique spectacle à Montréal.

Du mieux de mes connaissances, tous les documentaires, tous les moments doux qu’on voit à nos écrans… ils disent tous la vérité. Il s’agit vraiment d’un groupe de bons gars canadiens, des gars qu’on ne peut faire qu’aimer lorsqu’on les connaît.

Pour ceux qui veulent vraiment tout savoir de Blue Rodeo, surprise! Le Canadian Broadcasting Corporation a réalisé un documentaire long au sujet du groupe, Lost Together

 

Fabriqué au Québec
Basé à Montréal, capitale mondiale du rock francophone
 

Photo de bannière: Muriel Massé
INFOGRAPHE: MURIEL MASSÉ
WEBMESTRE: MARCO GIGUERE
RÉDAC’CHEF: MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE

Merci de nous aider en contribuant à notre campagne de financement. Si vous songiez à appuyer notre site, c’est maintenant, c’est ici. Chaque contribution, qu’elle soit grande ou petite, aide à notre survie et appuie notre avenir. Appuyez Famille Rock pour aussi peu que 5 ou 10 $ – cela ne prend qu’une minute. Merci

Click to comment

You must be logged in to post a comment Login

Laisser un commentaire

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

Archives

Compteur

  • 668 084 Visites

Suivez-nous

To Top

Fabriqué au Québec!

Honorons Nos Survivants Pleurons Nos disparus

Pour Un Monde Meilleur!

Basé à Montréal, capitale mondiale du rock francophone!