Concert de Graham Nash
Une leçon d’histoire et d’énergie
Centre National des Arts, le 9 octobre 2024
Publié le 14 octobre 2024
Texte/Photos/Vidéos : André Thivierge
Graham Nash, une légende vivante du rock depuis plus de 60 ans
En connaissez vous plusieurs rockers qui ont dépassé le cap vénérable de 80 ans tout en étant actif, tant en studio que sur scène? Chez les plus grands, il y a bien sûr les Paul McCartney, Ringo Starr et autres Mick Jagger. Mais il y a aussi un certain Graham Nash qui, à 82 ans, ne laisse pas du tout sa place. Il a cofondé en 1962 (l’année de naissance de l’auteur de ces lignes) The Hollies, puis après 8 albums, il quitte le groupe pour en former un autre, mythique, avec David Crosby et Stephen Stills, Crosby, Stills and Nash (CSN).
Ce groupe jouera un rôle majeur dans l’industrie du rock avec 8 albums en trente ans dont 3 avec l’ajout du canadien Neil Young (CSNY) qui ensemble, offriront une multitude de chansons avec des harmonies uniques. Graham en a signé des remarquables telles Marrakesh Express (CSN – 1969), Our House et Teach Your Children (Déjà Vu – 1970), Just A Song Before I Go (CSN – 1977) et Wasted On The Way (Daylight Again – 1982). Avec ces deux groupes, il a été doublement intronisé au Rock’N’Roll Hall of Fame et il est un des rares musiciens encore vivants à pouvoir se vanter d’avoir fait partie des têtes d’affiches à Woodstock.
Pendant les périodes creuses de CSN(Y), il enregistrera 4 albums en duo avec son comparse David Crosby (1972-2004). Surtout, il offrira à ses fans 7 albums solos dont les remarquables Song For Beginners (avec le très grand succès Chicago/We Can Change The World – 1971) et Wild Tales (1974) et plus récemment, This Path Tonight (2016) et Now (2023).
Une tournée intime avec seulement deux dates au Canada
Depuis que Crosby, Stills & Nash a cessé d’être un groupe en 2015 et malgré le décès de son grand ami David Crosby en 2023, Graham Nash est demeuré un musicien actif. En plus d’avoir enregistré deux excellents albums ces dernières années, il poursuit ses tournées musicales dans des plus petites salles. Ainsi, il est actuellement en tournée en Amérique du Nord et s’est arrêté à Québec, le 8 octobre et à Ottawa, le lendemain (ses deux seuls arrêts au Canada).
Dans la capitale nationale, on est loin des salles d’envergure fréquentées par les contemporains octogénaires de Nash. Le théâtre Babs Arper, la plus petite salle du Centre National des Arts d’Ottawa ne compte que 897 place mais qu’à cela ne tienne, on se considère privilégié de pouvoir être là pour assister à cette leçon de l’histoire du rock et boire les paroles de ce pionnier qui adore raconter des anecdotes sur ses chansons et celles de ses confrères de CSN.
Théâtre Barb Asper du Centre National des Arts, Ottawa
Une scène dépouillée et intime
En arrivant devant la scène, on se rend compte que Graham Nash veut offrir à ses fans un contact direct avec lui, sans gadget visuel ni caméras. On offre une scène dépouillée, avec quelques chandelles et un fond de scène noir.
À l’heure pile. Nash se présente seul sur scène. L’approche positive et décontractée de Nash démentait son âge. Il se tenait debout, stoïque, avec d’épais cheveux argentés et une chemise noire. Il sonnait exactement comme la voix que l’on s’attend à entendre. Même si Nash descendait parfois vers les parties basses de son coéquipier Stephen Stills dans les fameuses harmonies à trois voix de CSN, sa voix était toujours authentique.
Il était appuyé par l’excellent claviériste et as de l’orgue Hammond B3 Todd Caldwell, qui avait aussi accompagné CSN en tournée durant huit ans, et des multi-instrumentistes Zach Djanikian et Adam Minkoff, qui nous ont impressionnés avec leur grande polyvalence. Ils s’échangeaient les instruments, passant de la batterie à la basse et à la guitare ou même à la mandoline. Capables de reproduire les harmonies vocales qui sont la marque de commerce de Nash durant presque toute la soirée.
Le spectacle a commencé avec le morceau de Crosby, Stills et Nash, Wasted on the Way (Daylight Again – 1982), suivi par Marrakesh Express, tiré du premier album du célèbre trio (CSN – 1969).
Nash a salué la salle comble en disant « It’ s a little crazy right now isn’t it », faisant référence aux nombreux conflits touchant plusieurs parties du monde avant de jouer une version grandiloquente et toujours appropriée de Military Madness, tirée de son album solo Songs for Beginners, sorti en 1971. La foule s’anime et chante avec lui « No More War! ».
Nash a ensuite fait référence à sa relation de deux ans avec Joni Mitchell, sur plusieurs chansons dont I Used to be a King, une pièce de son premier album, écrite après leur rupture il y a plus de 50 ans. On y entend une version aérienne et royale alors que le chanteur atteint les mêmes hauteurs vocales que dans ses jeunes années. Un jam lustré s’en est suivi, rendant hommage à la version originale de la chanson, tout en offrant un regard contemporain sur sa construction.
Vient ensuite Right Between the Eyes, une chanson que les Hollies avaient initialement rejetée et que Nash a jouée avec Crosby, Stills, Nash et Young sur l’album live Four Way Street de 1971. Cette version a subi un lifting avec des solos de basse, de mandoline et d’orgue Hammond qui explorent la délicate mélodie de Nash d’une manière plus jazzy que son incarnation acoustique précédente.
Nash a ensuite raconté une histoire bien connue sur la rencontre des Hollies avec l’auteur-compositeur Graham Gouldman, juste avant de jouer la chanson de Gouldman, Bus Stop, sortie en simple en 1966. Le célèbre prélude power pop de la chanson a réchauffée l’atmosphère. L’ajout de la mandoline a permis d’enrichir les harmonies à trois voix de la chanson.
Nash prend quelques minutes par la suite pour rendre hommage à son ami David Crosby, disparu trop vite malgré sa vie mouvementée et interprète en son honneur, To The Last Whale. Une pièce qu’il a co-composé avec lui en 1975 sur l’album en duo Wind On The Water devant une scène dont le seul éclairage est fourni par la lueur des chandelles.
La version de Immigration Man, qui a gardé le venin de son intention originale, a été portée à un niveau supérieur grâce aux prouesses instrumentales de l’orchestre de Nash. Ce dernier a récupéré les notes aigües du refrain sans effort et n’a montré aucune incapacité à les atteindre. Une performance qui a permis de redonner vie à un cheval de bataille revitalisé.
Nash a ensuite révélé à la foule que sa prochaine chanson avait été composée pour la musicienne Rita Coolidge. Better Days, une autre chanson de l’excellent album Songs for Beginners a suivi, avec Nash assis à l’orgue Hammond pour offrir ce motif de clavier reconnaissable qui ajoute plein de tension de la chanson.
Le premier set s’est terminé par une version funky de la pièce à succès de Stephen Stills, Love the One Your With, qui mettait en valeur les harmonies habiles et les détails attentifs des coéquipiers de Nash. La foule s’est levée en signe de reconnaissance et Nash a annoncé qu’il serait de retour dans vingt minutes en lançant à la blague : « Ça me donne la chance d’aller pisser… Ne riez pas! Essayez ça à 82 ans ».
Une deuxième partie intime
Après la pause, Nash est revenu avec une version écourtée de Simple Man, tirée de son premier album solo de 1971. Avec son harmonica autour du cou et assis au piano, il a chanté cette chanson autobiographique avec une poignance non forcée et une beauté délicate. Cette deuxième partie du spectacle a débuté de façon intime et s’est concentrée sur la voix de Nash et son travail à l’harmonica.
Un autre hommage à Joni Mitchell a suivi avec une version acoustique en solo de A Case of You. Nash a ensuite chanté une version dévastatrice de la magnifique Wounded Bird, de son premier album solo en se tenant seul au micro, avec seulement un léger accompagnement de la part du groupe. Nash a fait une blague sur l’harmonica en faisant remarquer qu’il est facile d’en jouer, il suffit de savoir « souffler et sucer »… et si « on ne peut pas souffler, c’est qu’on est nul ».
Cet interlude musical réfléchi est suivi d’une version saisissante de Prison Song, tirée de l’album Wild Tales (1974) de Nash alors qu’il racontait que son père a dû faire du temps pour ne pas dénoncer un de ses amis. L’excellent jeu du groupe s’est poursuivi, tandis que la chanson a reçu une allure plus lourde que sa version en studio. De grands coups d’harmonica et un travail de guitare épais et scintillant ont fait plier les barres de cette « chanson profonde » de Nash.
Nash raconte ensuite l’histoire de Just a Song Before I Go, composée suite à un pari qu’un ami avait fait avec lui juste avant qu’il quitte Hawaii, où il avait passé des vacances. « Il avait parié 500 $ que je ne pourrais pas écrire une chanson juste avant de partir!» a raconté Nash, qui a bien sûr tenu le pari. Il y a quelques années, Nash a rencontré une jeune femme qui lui a remis une enveloppe après un spectacle, enveloppe qu’il n’a cependant ouverte que le lendemain. « C’était un chèque de 500 $ de la part de la famille du type qui avait parié avec moi, 40 ans auparavant! » a-t-il révélé, provoquant les éclats de rire dans la salle.
C’est à ce moment du spectacle que Nash et son groupe ont égrené mélodie après mélodie et chansons reconnaissables des 60 ans de carrière de Nash. Ce sont les chansons qui ont construit la carrière de Nash et qui se sont inscrites dans le cœur et la vie des gens. Nash a fait vibrer la salle et a conclu le spectacle avec sa chanson la plus aimée et la plus célèbre, Our House, qui, malgré sa familiarité, ne manque jamais de susciter un frisson.
Pour le rappel, Nash a sorti une autre composition grandiose d’un répertoire rempli de chansons dignes de figurer au Panthéon. Teach Your Children était un message d’espoir pour la foule et contenait un message sans date de péremption.
Avant que la foule ne parte, Nash a illustré que les années n’ont pas émoussé son activisme et sa conviction inébranlable que la musique peut encore changer le monde. Il a montré que ses chansons rassemblent toujours les gens et qu’elles sont toujours politiquement chargées, voire parfois conflictuelles. Après quelques commentaires sur la politique américaine, Nash et ses compagnons ont clôturé la soirée avec une chanson toujours aussi pertinente, Find the Cost of Freedom.
Et la grande finale fut énergique avec la chanson Ohio de Neil Young.
Pas de nouvelle musique
En plus d’être surpris de ne pas avoir entendu le plus grans succès solo de Graham Nash, Chicago/We Can Change The World, le seul autre reproche que je puisse faire à ce concert est l’absence de nouvelle musique. Nash a sorti deux très bons albums solo ces dernières années, This Path Tonight en 2016 et Now en 2023. Je comprends que la plupart des spectateurs viennent pour entendre les succès, mais Nash devrait savoir qu’il y a des spectateurs qui veulent aussi entendre son travail actuel.
Si les temps et les gens changent, l’histoire, elle, ne change malheureusement pas. Les interprétations par Nash de ses chansons historiques, toujours importantes, sont la preuve artistique que nous avons encore beaucoup à apprendre. Malgré les divisions de l’orientation politique actuelle, une chose ne peut être débattue : chacun mérite de vivre une vie libre et sans entraves. Graham Nash en est conscient et son optimisme artistique, qui perdure à l’aube de sa huitième décennie, mérite d’être célébré.
Fabriqué au Québec!
Basé à Montréal, capitale mondiale du rock francophone!
Photo de bannière: Pascal Rathé (Palais Montcalm)
INFOGRAPHIE: RENÉ MARANDA
WEBMESTRE: MARCO GIGUÈRE
RÉDAC’CHEF: MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE
Si vous songiez à appuyer notre site, c’est maintenant, c’est ici. Chaque contribution, qu’elle soit grande ou petite, aide à notre survie et appuie notre avenir. Appuyez Famille Rock pour aussi peu que 5 ou 10 $ – cela ne prend qu’une minute. Merci ! Visitez notre boutique.

You must be logged in to post a comment Login