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Grunge Top 5

Le top 5 Grunge 1991 à 1994 
Publié le 15 février 2024

Par Ricardo Langlois

Le Grunge

J’étais à l’Uqam quand j’ai découvert l’univers du grunge. Une vraie révolution. Chemises à carreaux et bottes Doc Marten. C’était le début d’un genre musical mais aussi l’apologie d’une forme de contre-culture. Nirvana, Pearl Jam, Soundgarden et Alice in Chains ont été des modèles.

Musique de guitares saturées, paroles apathiques. L’angoisse existentielle. C’était une manière de rejeter le glam metal. Le succès inattendu de l’album Nevermind de Nirvana en 1991.

Nous traversons d’autres paysages, d’autres univers. Cobain approuvait l’homosexualité, le féminisme, les distorsions. Le succès est arrivé trop vite. On a sacrifié certains héros. Plusieurs suicides. La vie ne peut pas être un chaos sans fin.

Nirvana, Nevermind (1991)

Mené par le chanteur et guitariste Kurt Cobain, Nirvana est le dernier bonus underground à tester la tolérance du grand public pour la musique alternative. Compte tenu du petit coin de goût du public que le rock à guitare non-metal commande maintenant. La version de la vérité du trio de l’État de Washington est probablement aussi crédible que celle de n’importe qui.

Mélange dynamique d’accords de puissance grésillants, d’énergie maniaque et de retenue sonore. Nirvana érige des structures mélodiques robustes – du hard rock chanté tel que défini par des groupes comme les Replacements, les Pixies et Sonic Youth – mais les aborde ensuite avec des cris frénétiques et des ravages à la guitare.

Lorsque Cobain passe à la vitesse supérieure du punk, faisant passer sa voix polyvalente d’une caresse tranquille à une fureur à gorge crue, le contrôle décisif du bassiste Chris Novoselic et du batteur Dave Grohl est tout ce qui empêche les chansons d’entrer dans le chaos. Si Nirvana n’est pas sur quelque chose de tout à fait
nouveau, Nevermind possède les chansons, le caractère et l’esprit confiant pour être bien plus qu’une reformulation des succès à indice d’octane élevé de la radio universitaire.

1991.    Photo : Niels VanIperen

Le premier album de Nirvana en 1989, Bleach, s’appuyait sur des riffs de métal des années soixante-dix. Mais le thrash Nevermind possède un cœur pop plein d’adrénaline et un matériel incomparablement supérieur, capturé avec une clarté rugissante par le coproducteur Butch Vig. Ponctuées d’erreurs occasionnelles (et probablement intentionnelles), la plupart des chansons – comme On a Plain, Come as You Are et Territorial Pissings – illustrent l’habileté du groupe à inscrire de
la subtilité sur un rock dense et bruyant.

Aux extrêmes stylistiques de l’album, Something in the Way flotte un nuage translucide de guitare acoustique et de violoncelle, tandis que Breed et Stay Away s’élancent à fond. Ce dernier se terminant par un grondement impressionnant.

Trop souvent, les groupes underground gaspillent leur courage sur des disques qu’ils ne sont pas prêts à faire, puis brûlent leur énergie et leur inspiration avec des tournées en montée. Nevermind trouve Nirvana à la croisée des chemins – des guerriers de garage décousues qui jettent leur dévolu sur une terre de géants.

Nirvana, In Utero (1993)

De loin j’observe tout ça et j’écoute pour me faire un avis. J’ai écouté Pearl Jam, j’ai écouté Alice in Chains, tous très bons mais voilà Nirvana c’est mieux (avis subjectif). Je ne saurais expliqué pourquoi.

Pas de grand guitariste, leur musique n’a rien inventé, n’a pas fait plus grandiose que les autres. Elle est ultra simple, mais elle fonctionne. Je ne sais pas d’où ça vient. La voix de Cobain peut-être qui sonne bien, les mélodies toujours efficaces, le rythme toujours présent. L’esprit rebelle qui transpire dans leur musique. Il y a quelque
chose, c’est sûr mais c’est difficile à expliquer car il ne s’agit ni de technique, ni d’innovations. Impossible d’établir une liste d’arguments imparables. Le plat est bon mais la recette est simple quand d’autres font des recettes plus complexes sans jamais que le plat fasse l’unanimité.

J’adore In Utero, je le préfère même à Nevermind car il est plus ‘sale’, plus grunge, quoi. Et il laisse la place à un peu tous les tons, il est complet et il ne comporte pas un seul mauvais morceau. J’écoute Tourette’s en boucle par exemple. J’aime les guitares qui grincent, j’aime l’imperfection de leurs compos, j’aime le chant de Cobain parfois horrible, parfois puissant et parfois si étrange, doux, triste même.

Pearl Jam, Ten (1991)

Avec du recul, la (re)découverte de Ten, à l’heure actuelle, demeure encore un véritable choc. Premier album d’un combo déjà très expérimenté (Stone Gossard et Mike McCready sont à l’époque loin d’être des débutants), cet assemblage de titres gavés de hard rock seventies et transportés par la voix hallucinante de Vedder se révèle être une tuerie méthodique d’une redoutable efficacité.

Ici, pas de folie incontrôlée, pas de fuite en avant ni d’approximation. De fait, le rock de Pearl Jam n’a absolument rien à voir avec le punk, contrairement aux autres groupes grunge. Chaque riff est pensé, maîtrisé et impeccablement exécuté, chaque effet de voix est travaillé à l’extrême, chaque chanson est conçue comme un hit potentiel. Techniquement, on frôle la perfection tant les solis de McCready (et de Gossard) tutoient les sommets guitaristiques de par leur nombre, leur variété et leur qualité d’exécution.

Car oui, il y a du solo dans le rock de Pearl Jam, mais aussi du riff heavy et bluesy à profusion, faisant de ce groupe le véritable héritier 90’s des Led Zeppelin et autres Aerosmith. Et puis il y a Eddie Vedder, l’un des chanteurs, si ce n’est le chanteur le plus prodigieux du rock heavy encore en activité (puisque Chris Cornell a érigé lui-même sa propre pierre tombale en se compromettant irrémédiablement dans cet album abject appelé Scream). Une voix unique, chaude comme le soleil de San Diego (où il a passé sa jeunesse), dure et rocailleuse, puissante et fragile, rageuse et émouvante. Unique, qu’on vous dit.

Aujourd’hui, Eddie Vedder, encore en activité –  2022 – Photo : Kevin Mazur

Ajoutez à cela des textes autobiographiques laissant entrevoir les fêlures de Vedder et un mal être véritable et vous obtenez un disque générationnel incontournable doublé du meilleur album de Pearl Jam, tout simplement.

Soundgarden, Superunknown (1994)

À l’écoute de ce disque, on pourrait tout d’abord y voir un certain lissage comparé aux précédents efforts du quartet. Ce qui est en partie vrai car cela permet de mieux refléter l’esprit pesant, mais néanmoins détaché, de l’œuvre. Car il y a une certaine sensation qui se dégage sur cet album. Ce n’est pas le même type de lourdeur que l’on pouvait rencontrer dans Badmotorfinger, ce dernier privilégiant plutôt cette lourdeur dans la technicité, les riffs.

Dans Superunknown, la sobriété des compositions aide à instaurer un climat dépressif tout du long, en appuyant à petites touches, mais avec justesse.

En termes d’exutoire, on est pas loin de ce que pouvait faire Nirvana sur In Utero, la variété en plus. Que ce soit d’une violence à la limite du sarcasme (My Wave), d’une névrose romancée, cryptique et presque complaisante (Black Hole Sun), d’une haine toute en retenue pour ensuite déflagrer (Mailman) ou d’une noirceur apocalyptique (Limo Wreck).

La seule ‘lueur’ étant Spoonman, ce qui pourrait sans doute faire un peu tâche sur cet album, en terme d’homogénéité bien sûr. Mais qu’importe, Chris Cornell confirme son talent. Il brûle littéralement à petit feu dans ce bloc d’une noirceur condensée, laissant transparaître une personnalité souvent au bord de la crise de nerf. Ce qui lui a d’ailleurs coûté très cher…

Il y a eu ce suicide incompréhensible. Le 18 mai 2017, à 52 ans. Il est au no 9 sur la liste des Meilleurs chanteurs de tous les temps par la revue Rolling Stones. Je voudrais le ressusciter… Je l’admirais de corps et d’esprit. J’ai eu le cœur brisé en mille morceaux. Il a étudié la guitare et le piano. Une adolescence bizarre où il se déclare agoraphobe. Pas de contact avec personne, pas d’amis.

Alice in Chains, Dirt (1992)

Alors qu’on aurait pu penser que l’immense succès commercial dont il fut l’objet irait de pair avec une simplification et un adoucissement du ton, il n’en est en réalité absolument rien, l’album ne cédant en rien à la facilité et aux sirènes du Roi Dollar.

D’une violence inouïe sur les premiers titres, le disque aligne quelques classiques avant de dériver par la suite au beau milieu de compositions sombres, alambiquées, chaotiques et distordues. Pour subitement se ressaisir et en terminer d’une manière incroyablement puissante et structurée. Le résultat est une pluie de chef d’œuvres avec quelques morceaux plus difficiles à assimiler.

Par la puissance de son impact, Dirt fera d’Alice in Chains un poids lourd du hard rock, allant jusqu’à gagner le respect et l’estime des seigneurs de l’époque, Metallica. On dirait la destruction de Baudelaire. J’ai pensé aussi à Black Sabbath.

D’autres suggestions : Soundgarden- Badmotorfinger (1991), Temple of the Dog (1991 ), Stone Temple Pilots-Purple (1994 ), Nirvana-Bleach (1989 ), Pearl Jam- Vs (1993 ), Alice in Chains- Facelift (1990), Stone Temple Pilots- Core (1992 ), Hole- Live Through This (1994).

Notes:
Critique de Nevermind, traduction du Rolling Stone.
La destruction dans Les fleurs du mal de Baudelaire.

Ricardo Langlois vient de publier son sixième livre J’habite le ciel. 70 pages, illustrations en couleur. 12$ frais inclus.

 

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1 Comment

1 Comment

  1. Larry Todd

    15 février 2024 at 9:59 PM

    Excellent, mon cher ami et chroniqueur..Ricardo.. a plus

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