Chroniques

Genesis L’album du crime!

We Know That We Like Genesis #13
Publié le 29 décembre 2020
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Republié le 4 juin 2024

Republié à  l’occasion de l’anniversaire du chef des nouvelles André Thivierge 

                                                                                Une série sur toutes les époques de ce groupe chéri des Québécois

Par André Thivierge

De retour aux choses sérieuses!

Après avoir consacré l’hiver et le printemps 1971 à multiplier les engagements musicaux pour des fins de rodage, les membres de la période classique de Genesis, Tony Banks, Mike Rutherford, Peter Gabriel, Steve Hackett et Phil Collins étaient prêts à passer aux choses sérieuses et préparer le nouvel album du groupe.

Dans une maison victorienne

Pendant que Peter récupérait de son accident (voir Genesis #12), les membres de Genesis en ont profité pour s’installer en juillet au Luxford House, loué par leur gérant Tony Stratton-Smith afin de répéter ce qui deviendra leur 3e album.

Selon Phil dans son autobiographie, « le Luxford House, loué par notre gérant était aussi sa proposition. L’idée que des groupes partent se ressourcer à la campagne, loin du tumulte de la ville est tout à fait dans l’air du temps. Si c’est ce que font Traffic et Led Zeppelin, c’est ce que fera Genesis. » Cette superbe bâtisse de style Tudor, un manoir de carte postale avec une belle dépendance, parfaite pour composer inspirera la pochette de Nursery Cryme. »

On se réinvente en répétition

Lorsque le groupe est arrivé en répétition, il y avait déjà de nouvelles chansons prêtes à être enregistrées telles The Musical Box et Twilight Alehouse, qui avaient été développées pendant la période à quatre musiciens. Le reste de l’album s’est développé dans une période de deux mois, où les membres ont retravaillé de vieilles idées et développé du nouveau matériel.

Phil agissait comme un catalyseur, prêt à improviser avec les autres à tout moment du jour et de la nuit. Il ajoute : « Je suis dans mon élément pendant les répétitions.  Je me délecte de cette liberté créatrice, de ce déferlement d’idées, de notre degré d’ambition, de la longueur de nos pièces.

Parfois, nous nous regroupons autour de Tony, assis à son orgue Hammond, avec Mike à la 12 cordes, Peter qui improvise au chant avec moi. »

Une technique perfectionnée par le groupe à ce moment était d’avoir deux ou trois guitares jouant des accords différents simultanément. C’était une extension de l’approche développée par Mike et Anthony pour l’album Trespass. En plus de Steve qui a remplacé Ant dans ce concept, on y entendait Tony sur plusieurs chansons telles Happy The Man, Harlequin ainsi que des parties de The Musical Box.

Steve Hackett nous raconte en entrevue exclusive son expérience liée à l’élaboration et à l’enregistrement de Nursery Cryme

 

Famille Rock (FR) : Vous ne saviez pas trop à quoi vous attendre lorsqu’ont débuté les répétitions.

 Steve Hackett (SH) : « C’était le 3e album pour Peter, Tony et Mike. Ceux-ci avaient maintenant de l’expérience et utilisaient leur propre langage. Ils avaient été affectés par le départ de leur leader Ant. En ce qui concerne Phil et moi, même si nous avions une certaine expérience de studio, ce n’était pas comparable. C’était ma première expérience d’écriture et je ne savais pas trop à quoi m’attendre. M’habituer à travailler en équipe a été difficile. À l’époque, je préférais développer une idée isolément et la proposer au groupe ».

FR : Même s’il y avait déjà beaucoup de matériel, votre participation n’est pas négligeable.

 SH : « The Musical Box était la seule chanson dont je pensais qu’elle avait été écrite avant mon arrivée, mais j’ai senti qu’il y avait beaucoup de place à l’amélioration. J’ai remarqué que personne ne faisait le son d’une boite à musique pour commencer. J’ai travaillé très fort sur les parties de guitare. Brian May de Queen a indiqué plus tard avoir été influencé par mon harmonie en trois parties de la chanson. »

Brian May en 1971

FR : Et c’est là que vous avez proposé une nouvelle technique de guitare.

SH : « Une journée, je faisais cette chose à la maison. J’essayais de jouer des parties de la Toccata et Fugue de Bach et j’ai réalisé que la seule manière de le faire était de plaquer mes doigts sur le manche et c’est devenu le Tapping.

Pendant le développement de Nursery Cryme, j’ai emmené cette technique de guitare qui me permettait de jouer sur le manche comme sur un clavier et de cette manière, Tony et moi pouvions jouer des duos en harmonies. Ça sonnait comme deux guitares ou deux claviers. Et j’utilise encore cette technique aujourd’hui qui me permet de jouer très rapidement ! »

Steve explique plus en détail la technique dans cette vidéo avec sous-titres en français pour le magazine Guitar Xtreme

FR : Et plusieurs guitaristes dont Eddie Van Halen ont utilisé cette technique subséquemment.

SH : « Oui, Eddie m’a cité comme influence. Il a dit m’avoir entendu sur la pièce Shadow of the Hierophant sur mon premier album solo, Voyage of the Acolyte. Suis-je celui qui a développé cette technique ? En tout cas, je n’ai jamais entendu personne l’utiliser sur une guitare électrique avant 1971. »

FR : Et vous avez aussi contribué à The Fountain of Salmasis.

SH : « Je sentais que The Fountain of Salmacis était une belle pièce épique. J’étais particulièrement soufflé par la partie de la fin où j’ai eu la chance de jouer des notes significatives au sommet des accords de Tony, ce qui nous faisait sonner comme un orchestre. Toutes mes émotions sont allées sur le solo de guitare. Je sentais que je pouvais ajouter significativement à la romance de la chanson et y mettre des couleurs supplémentaires. »

Voici Steve qui discutait récemment de Fountain of Salmacis pendant la pandémie.

Des répétitions difficiles

Mike se souvient que les répétitions étaient difficiles. « Steve et Phil venaient juste de joindre le groupe. Le son de Genesis a changé, nous improvisions beaucoup. Écrire certaines des chansons fut difficile même si certaines d’entre elles étaient vraiment solides. »

« Nursery Cryme n’a pas été un album facile à écrire, probablement en raison de la nouvelle dynamique du groupe. Il fallait trouver nos marques sans Ant. J’ai écrit une chanson, Harlequin où j’ai essayé de jouer ma partie de guitare et celle d’Ant sur une guitare 12 cordes. Ce ne fut pas mon moment le plus intéressant, côté paroles.

Seven Stones était une chanson de Tony. Un bel exemple de ce que j’appelle ses accords de cabaret. Phil et moi avons eu de la difficulté à suivre mais ce fut un beau résultat. À la fin, nous avons décidé de limiter Tony à un maximum de 3 ou 4 chansons par album, pas plus. (Je me suis toujours demandé ce qu’il faisait des chansons que nous n’utilisions pas. Et soudain, en 2011, il a lancé un album de compositions classiques et là on a compris). »

Phil et Steve, des attitudes différentes!

« Dans la dynamique d’écriture, Phil avait une attitude très détachée. Autant, Tony, Peter et moi pouvions argumenter sur des bouts de chanson, Phil lui nous disait « Voilà ! Prenez ce que je vous donne ou laissez-le là ».  Il n’y avait pas de problème d’égo avec Phil. »

« Avec Steve, c’était différent. Au moment de la préparation de l’album, il ne nous connaissait pas encore beaucoup.  Il ne savait pas comment transiger avec nous. Sa réelle force était de créer des choses uniques et incroyables avec sa guitare. Il a amené quelque chose qu’Ant n’aurait jamais pu faire. Steve n’en a jamais été satisfait parce qu’il voulait devenir un auteur. » Selon Tony, « la contribution de Steve et Phil à l’album a été d’abord d’apporter de la musicalité au groupe. Comme musicien, Mike et moi avions beaucoup encore à apprendre. Phil est arrivé avec ses grandes qualités de batteur, un sens incroyable du rythme et Steve de son côté était techniquement meilleur que nous à ce moment.

La section rythmique était un peu anémique sur Trespass.  On entend sur des pièces plus complexes comme The Return of the Giant Hogweed la différence. »

Surprise, Phil sait chanter!

« L’autre grande qualité de Phil était qu’il savait chanter. Le reste d’entre nous faisaient de vagues tentatives de faire des chœurs corrects. Mais avec Phil, nous avions maintenant quelqu’un avec une voix puissante. Peter et lui ont chanté beaucoup à l’unisson. Phil était très bon à choisir de belles harmonies comme le faisaient Crosby, Still & Nash. »

FR : Phil et vous aviez une belle complicité.

SH : « Comme nous étions nouveaux avec le groupe, nous avons naturellement joint nos forces pour écrire ensemble. Si nous devions différencier Phil et moi, je dirais qu’il aimait beaucoup l’approche jazz tandis que j’étais un adepte du classique et du blues. Il y avait une fusion naturelle du son du groupe. Tony aimait aussi beaucoup la musique classique. Phil me faisait écouter du Buddy Rich et Mel Tormé qui me semblaient étrange au début mais qui étaient la base de son style musical. Nous apprenions mutuellement des autres. »

FR : Vous avez co-écrit une chanson pour Nursery Cryme.

SH : « J’ai écrit la mélodie principale de For Absent Friends et Phil et moi avons écrit les paroles. Je sentais que nous écrivions notre propre Eleanor Rigby avec des images semblables liées à la symbolique de la vie britannique.

C’était la première collaboration vocale de Phil. Plusieurs ont pensé que c’était Peter qui chantait. La similarité de leurs voix était extraordinaire. Pas surprenant que chacun d’entre eux deviendront plus tard des grands chanteurs du rock dans leurs carrières solo. »

Phil en parle dans son autobiographie : « Un jour, Steve me tend une partition de guitare aux tonalités pastorales sur laquelle je mets des mots. J’ouvre la bouche et me lance. Je suis hésitant, je trouve ma voix douce, hésitante. Mais elle leur plait et je n’en demande pas plus. Ce fut ma première apparition vocale avec Genesis.

Dès lors sur tous les disques du groupe, en dehors de la voix de Peter, celle qu’on entendra dans les chœurs et les harmonies sera la mienne. »

Le sens de l’humour de Phil a emmené de l’enthousiasme et de la vitalité au groupe. Cet humour est devenu un ingrédient plus important dans le groupe. Par exemple, la pièce Harrold the Barrel n’aurait jamais été intégrée à Trespass qui était un album plus sérieux. Il fut musicalement une révélation donnant un nouveau ton aux vieilles chansons et du pouvoir aux nouvelles grâce à ses talents d’arrangeur.

FR : Étiez-vous confortable au fait que toutes les pièces composées par les membres du groupe étaient créditées collectivement à Genesis?

SH : « Absolument! Une des raisons étaient que nous considérions les arrangements aussi importants que les chansons elles-mêmes. Ce n’est pas parce que quelqu’un apportait le cadre d’une pièce que les espaces entre le début et la fin n’étaient pas importants. Nous contribuions tous à remplir ceux-ci avec les bouts les plus originaux possibles. »

« Lors des débuts de Genesis, nous n’avions pas de synthétiseurs. Beaucoup de sons bizarres et merveilleux ont été développés à partir d’une combinaison de guitares et claviers. »

De retour aux studios Trident

Les répétitions ont avancé lentement mais finalement, le groupe était prêt à se rendre en studio. Nursery Cryme était un album de transition pour Genesis faisant le pont entre le son acoustique de Trespass et celui plus tranchant apporté par l’arrivée de Steve et de Phil.

Le groupe est entré en studio en août 1971 pour enregistrer leur 3e album, Nursery Cryme. L’album a été enregistré aux studios Trident, le même utilisé pour l’album précédent.

John Anthony qui avait produit Trespass était à nouveau aux commandes du 3e album.  De son côté, David Hentschel agissait comme réalisateur et se souviens qu’il y avait beaucoup d’excitation entourant le développement de l’album.

David Hentschel

Dans son autobiographie, Mike a souligné que « nous sommes arrivés en studio avec des ébauches de chansons, de sons et des arrangements légèrement moins aboutis qu’avec Trespass, dont nous avions rodé les pièces en concert.  Ceci nous avait permis de savoir exactement ce que nous voulions à l’enregistrement. »

FR : Comment avez-vous trouvé votre première expérience de studio avec Genesis?

SH : « Je me souviens que nous tentions de jouer nos pièces d’un seul coup tout comme le mixage. Personne n’était assez expérimenté pour faire de l’édition. On pouvait travailler jusqu’à tard la nuit. »

Des résultats mitigés

Tony n’a pas un bon souvenir des sessions d’enregistrement. « Ce fut une déception pour les trois membres originaux car à l’époque, on n’y voyait pas beaucoup d’amélioration par rapport à Trespass. J’y ai quand même apporté le maximum. »

Selon Phil, le problème de Nursery Cryme tenait à l’enregistrement. « Notre son était trop aigu, trop pointu en concert alors qu’il était plus rond en studio. Je n’étais pas capable de réécouter les vieux albums. Je n’en aimais pas le son. Cela ne sonnait pas aussi bien que pendant les répétitions. Pour être honnête, j’ai toujours trouvé que nous n’étions pas bon en studio jusqu’à The Lamb parce que ce dernier avait été enregistré live dans une ferme. »

Une pochette lugubre et menaçante

Le design de la pochette a été à nouveau réalisé par Paul Whitehead, qui avait aussi conçu celle de Trespass. Il a aussi développé ce que sera le premier logo officiel de Genesis, qui sera réutilisé pour l’album suivant.

Les paroles écrites par Peter pour The Musical Box ont inspiré le titre de l’album et le design de couverture qui illustrait une fille victorienne qui se faisait menaçante prête à s’élancer avec son bâton de croquet. Sur la pelouse, on y trouvait plusieurs têtes dont celle d’Henry de la chanson. Tout autour, on y voit un manoir et plusieurs images surréelles. Le champ de croquet et le manoir étaient inspirés de la maison du grand-père de Peter.

Un album malgré tout remplis d’espoir

Les sessions d’enregistrement seront relativement rapides, grâce à l’expérience du groupe.  Les membres, malgré certaines déceptions par rapport aux résultats espèrent que Nursery Cryme sera l’album qui les lancera pour de bon.

 

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1 Comment

1 Comment

  1. Pierre Langlois

    2 janvier 2021 at 11:18 AM

    Excellent travail encore une fois. Tes chroniques sont remplis d’informations inédites. J’ai déjà hâte de lire la prochaine

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