Les Musiciens Méconnus 5
The Band, le groupe sans nom
Publié le 21 juin 2020
Republié le 12 mars 2021
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Le 12 mars 2007, Levon Helm a déposé une plainte pour la chanson The Weight.pour une publicité de Manhattan.
Mike Lacombe
Salut à tous !
Cette semaine, un groupe marqué par une rixe qui durera plus de 35 ans et qui se terminera par la mort du chanteur et batteur Levon Helm. Cette chicane fut causée par la légitimité de donner pratiquement tous les droits d’auteur au guitariste Robbie Robertson, qui lui est crédité comme auteur-compositeur ou coauteur-compositeur dans presque toutes les chansons du groupe. Mais allons-y tout doucement et essayons de mieux connaitre The Band.
Sur une note personnelle et avant de débuter, vous aurez sûrement remarqué en lisant mes chroniques, qu’il y a beaucoup de styles que j’affectionne et de groupes qui sont mes favoris. Beatles, Led Zep, Sabbath, Purple, Zappa et Hendrix, sont tous des groupes que j’adore, mais le groupe que je peux écouter et que j’ai écouté dans toutes les périodes de ma vie, est sans aucun doute The Band. Prendre un album du groupe et le mettre sur une platine est toujours satisfaisant. Les harmonies presque parfaites, la voix et le jeu de batterie de Levon Helm, la guitare de Robbie Robertson, le génie arrangeur de Garth Hudson, la voix et la basse de Rick Danko et le multi instrumentaliste Richard Manuel, font de The Band l’un des groupes ayant le plus influencé toute une génération de musiciens.
Les débuts
De 1958 à 1963, ils étaient le back-up band du légendaire Ronnie Hawkins, chanteur Rockabilly/Country natif du Kansas, qui a connu un énorme succès de ce côté de la frontière. Ils se nommaient à cette époque The Hawks. C’est en compagnie de Hawkins qu’ils ont appris à jouer sur la route. Bars, marijuana, speeds, autobus et alcool faisaient partie intégrante du groupe. Les bars miteux et les motels à cinq dollars la nuit ont été la première école de The Band. Quatre musiciens canadiens et un Américain, qui par sa voix tantôt nasillarde, tantôt parfumée d’un accent du ‘’mid-ouest américain’’, ont fait de The Band un groupe qui fut souvent et par erreur catalogué comme un groupe américain, mais la vérité était que The Band était un groupe canadien à sonorité folk rock et rock américain.
Après avoir joué presque 6 ans avec Ronnie Hawkins, un appel tout simple du gérant de Bob Dylan changea la donne et fut le début de l’aventure The Band. Lorsque Dylan parlait d’eux, il disait souvent « what does the band think’ ? »(qu’est-ce que le groupe en pense ?), et « Is the band available to come to rehearsal ? » (est-ce que le groupe est disponible pour venir pratiquer ?). Robertson a expliqué dans l’une de ses nombreuses entrevues, que lui et les gars du groupe se décrivaient souvent comme The Band lorsqu’ils parlaient d’eux-mêmes, donc lorsque Dylan leur demanda le nom du groupe pour les affiches de sa tournée de 1966, ils décidèrent que la dénomination du groupe serait dorénavant The Band, mais finalement et pour avoir une certaine reconnaissance, ils durent se résigner à se présenter comme The Hawks. The Band ne faisait pas assez commercial selon la compagnie de disques.
La tournée Dylan de 1966
Cette tournée est importante et mythique au niveau de la musique Folk/Rock, puisqu’elle voit Dylan abandonner sa bandoulière en corde défraîchie et sa guitare acoustique, pour une Fender Stratocaster et un son électrique. Il l’avait d’ailleurs déjà fait en 1965 lors du festival de Jazz de Newport avec Mike Bloomfield et Gary Goldberg, tous les deux du Paul Butterfield Blues Band. Lors de cette tournée légendaire, les musiciens du groupe ont vécu une salve d’émotions mixte comme à leurs tout débuts, puisque à chaque performance de Dylan, les gens le huaient, le chahutait en lui criant qu’il était un vendu (Judas), un traître de la musique folk et qu’il devait sortir de scène, mais le plus drôle de l’histoire selon les gars de The Band est que partout où ils allaient pour jouer, les salles étaient bondées à craquer, et que même si les gens insultaient Dylan, lui, continuait de présenter ses chansons, de chanter et de dire aux spectateurs entre deux chansons, « Please stop booing, why are you booing ? ». (SVP arrêtez de huer, pourquoi huez-vous ?)
Le vrai miracle de cette tournée est que tous les spectacles ont été enregistrés sur bobines et lors du RSD (Record Special Day) de 2016, un album intitulé The Real Royal Albert Hall Concerts a vu le jour. Magnifique album où on entend Dylan et The Band être en symbiose parfaite, mais où l’on entend aussi très bien les gens huer et crier des calomnies à Bob Dylan. Cette première association de Dylan avec The Band ne fut pas la dernière et lors de sa tournée de 1974 il recruta encore The Band comme groupe, mais à cette époque ils étaient maintenant un groupe reconnu et très en demande.
Après la tournée de 1966, The Band loua une grosse maison rose dans l’état de New York (The Big Pink), et avec Dylan en congé de tournée et après avoir tous déménagé dans cette maison, (tous sauf Robertson qui lui habitait dans une autre maison), commencèrent à enregistrer plusieurs chansons dans le sous-sol de cette maison. Grâce à la vision du génial arrangeur Garth Hudson, claviériste du groupe qui avait toujours un tape machine près de lui, il réussit à enregistrer la plupart des jams et ce qui en ressortit, est un album bootleg qui vit le jour en 1969, mais qui fut sorti officiellement en 1975 sous le nom The Basements Tapes. On peut y entendre la magnifique chanson de Dylan I Shall Be Released qui a accompagné Dylan tout au long de sa carrière et que The Band a aussi endisqué sur le tout premier opus du groupe Songs From The Big Pink. Cet album a donné naissance à la merveilleuse composition The Weight, l’une des chansons les plus connues du groupe.
L’influence qu’a jouée Dylan au sein du groupe est indéniable. Les quatre années à jouer avec Bob Dylan ont défini et poli le son du groupe. Selon Robertson qui le décrit comme suit : « La façon qu’a Bob de dire des phrases poétiques et les merveilleuses histoires qu’il peut raconter dans ses chansons, nous ont très certainement influencé ». Dylan sera la plus grosse influence de The Band.
Les années de studio 1968-1977
Lors de cette période, la formation originale enregistrera 8 albums et 3 albums avec Dylan. Le dernier concert du groupe sera le 25 novembre 1975 à San-Francisco, et aura marqué l’histoire du rock puisque le grand ami de Robbie Robertson, Martin Scosese, grand cinéaste et surtout grand fan du groupe, enregistra le concert sur pellicule et celui-ci deviendra la dernière valse du groupe, The Last Waltz. Ce film est un film épique dans l’histoire du rock. Le nombre d’artistes invités pour ce spectacle de seulement 5000 places, et comprenant un souper de dinde aux spectateurs (car c’était le Thanksgiving américain), fut agrémenté par un éventail de musiciens ayant eu une influence sur le groupe ou des artistes avec lesquels The Band avait été le Back Up Band.
Ce fut un concert rempli d’événements mémorables. Dans la tête de Roberston, ce n’était pas la fin du groupe, mais Robertson qui avait commencé à jouer dans les bars avec le groupe en 1958, en avait assez des tournées et dit au groupe un peu ce que John Lennon avait dit aux Beatles, « C’est la fin des concerts en public, prenons un peu de temps et concentrons plutôt nos efforts sur de nouvelles chansons et concentrons-nous à faire de nouveaux albums ». L’année suivante le groupe se sépara définitivement, mais offrira à son public un dernier album, Island.Cet album est un amalgame de chansons originales et de covers que le groupe avait dans son répertoire. Le documentaire/concert/film de Scorcese prit l’affiche au cinéma en 1978. Les artistes ayant participé au concert sont : Ronnie Hawkins, Bob Dylan, Muddy Waters, Neil Young, Joni Mitchell, Dr. John, Van Morrison, Ringo Starr, Eric Clapton, Ron Wood, Bobby Charles, Neil Diamond, et Paul Butterfield. Une liste incroyable de musiciens qui se sont fait accompagner par le célèbre groupe lors de ce concert, sous la touche magique de Robbie Robertson qui agit comme chef d’orchestre tout au long du concert. Le film est un mélange d’entrevues des membres du groupe et est très représentatif de cette période. Les yeux rouges et mouillés sont à l’honneur lors des entrevues. Le groupe dira plus tard que c’était seulement le trip de Robbie Robertson, et qu’eux n’étaient pas vraiment intéressés à le faire, mais que Robertson leur avait mis beaucoup de pression. Robertson répondra que s’ils ne veulent pas être associés au film de Rock le plus populaire de l’histoire, bien lui, vivait bien avec ça.
1983-1999 Retour et suicide de Richard Manuel
À la demande de Richard Manuel, pianiste et multi instrumentaliste du groupe, les musiciens se reformèrent une autre fois et repartirent à la conquête de l’Amérique. Les membres originaux du groupe recrutèrent des musiciens ayant joué ou jouant pour Ronnie Hawkins pour remplacer Robertson. Plusieurs spectacles à guichets fermés démontrèrent que The Band, même sans Robbie Robertson, était toujours en demande. Manuel tant qu’à lui, avait pris beaucoup de mauvaises habitudes sur la route, mais depuis 1978, il était sobre. Sur la route en 1984, il recommença à boire et prendre toutes sortes de drogues. Il avait abusé dans sa vie de beaucoup trop de substances et après un concert en Floride en 1986, dans sa chambre d’hôtel, Richard Manuel se suicida. Les démons de la drogue et de l’alcool avaient eu raison de lui. Peu de temps après, The Band se sépara de nouveau.
Les années 90 virent le groupe faire de petites apparitions ici et là dans différentes occasions bien spéciales. Ils participèrent au 30e anniversaire de la carrière de Bob Dylan. Ils firent partie du spectacle d’inauguration du président Clinton. Ils prirent part au concert Woodstock en 1994 et ils furent aussi intronisés au Rock and Roll Hall of Fame (sans Levon Helm qui était toujours en furie contre Robbie Robertson sur les questions de droits d’auteurs). Ils ont aussi fait trois albums, qui ont été bien reçu de leurs publics.
Les poursuites judiciaires et le retour du groupe (sans Robbie Robertson)
Un litige et de nombreuses poursuites judiciaires entre les membres du groupe (surtout par Levon Helm qui disait avoir été bafoué par Robertson et Robbie Robertson), ont retenu l’attention des médias. À une certaine époque, on ne parlait que de ça. La musique était passée au second plan et pourtant des chansons comme The Weight ou la triste mais non moins merveilleuse The Night They Drove Old Dixie Down racontant la fin de la guerre de sécession vu par un fermier sudiste qui y perdit son jeune frère de 18 ans, et qui touchait beaucoup Levon Helm de par ses origines mid-western américaines, sont des chansons qui resteront gravées à jamais dans l’univers du Rock
Mort de Levon Helm
En 2012 et ayant appris qu’une semaine auparavant que le cancer de gorge, que Levon Helm avait combattu fin des années 90, était revenu plus virulent et sans espoir, Robbie Robertson se rendit au chevet de son vieux comparse, et il lui parla de tous les bons moments qu’ils avaient vécus ensemble. Un témoin de la scène a dit que : « Robertson semblait penser que lui et Helm avaient finalement fait la paix, mais quand Robertson serait parti, Helm aurait dit qu’il ne lui avait rien pardonné ». Aux Grammy Awards de 2013, un hommage pour honorer la mémoire de Levon Helm fut très réussi. Tout cela s’est déroulé sans son vieil ami Robbie Robertson. L’histoire dit que la veuve de Helm s’y serait opposée.
The Band a marqué les années 70 de la musique rock. Un style qui sortait de l’ordinaire avec ses quatre musiciens canadiens et de son chanteur/batteur américain.
Rock on !
WEBMESTRE: STEVEN HENRY
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE
larry todd
12 mars 2021 at 10:01 PM
Excellent Mike, tres complet,,,bravo a l équipe de montage,,,
Géo Giguere
24 juin 2020 at 12:10 AM
Remarquable document très bien documenté
Bravos Mike