Analyse de l’album The Circus and The Nightwhale
Sorti le 16 février 2024
Publié le 5 mars 2024
Note 9/10
Par André Thivierge
The Circus and The Nightwhale
Steve Hackett vous dites ? Oui, c’est bel et bien le virtuose de la guitare qui a ébloui les fans de Genesis. Il fait partie de la formation classique du groupe et a participé à 6 albums studios (Nursert Crime, Foxtrot, Selling England by The Pound, The Lamb Lies Down on Broadway, Trick of The Tail et Wind and Wuthering) ainsi qu’à 2 albums live (Genesis Live et Seconds Out) de 1971 à 1977.
30 albums solos de 1975 à 2024
Pourtant, ces faits d’armes que tous les fans de Genesis vénèrent ne sont qu’une courte partie de la carrière professionnelle de Steve Hackett. Non seulement il a ébloui avec un premier album solo hors du commun en 1975, pendant qu’il faisait encore partie du groupe (Voyage of The Acolyte), mais il est devenu le membre de Genesis le plus prolifique du groupe. Tant en solo, à partir de Please Don’t Touch, premier album post-Genesis en 1978, qu’avec ses nombreuses collaborations au fil des années.
L’album The Circus and the Nightwhale, sorti en février dernier, est devenu le 30e album solo du guitariste. Au fil des années, il a offert des œuvres aux styles variés, allant du rock progressif, au blues, au pop et au classique.
Un album conceptuel et semi-autobiographique
Sur le plan lyrique, The Circus and the Nightwhale est un album conceptuel de rite de passage construit autour des aventures surréalistes d’un jeune personnage nommé Travla, dont Hackett reconnaît qu’il est semi-autobiographique. À première vue, la prémisse peut sembler familière ; le disque est publié 50 ans après la sortie de la mère de tous les albums conceptuels prog-rock, The Lamb Lies Down on Broadway, le double album de Genesis de 1974 que de nombreux fans considèrent comme le meilleur effort studio du groupe. Hackett lancera plus tard cette année une tournée, Genesis Revisited, qui comprendra des extraits de ce disque historique, ainsi que des sélections de sa carrière en solo.
Mais musicalement, les 13 titres de The Circus and the Nightwhale sont plus éclectiques que tout ce que Hackett et ses collègues de Genesis ont pu produire à l’époque. L’album combine des ballades calmes, des passages acoustiques, du jazz fusion, du blues, du prog à haute énergie, du rock symphonique et théâtral, et même de la musique du monde. Dans un mélange qui est cinématographique par son ampleur et sa portée (illustrant ce que Hackett appelle des « films pour l’oreille »).
Sur son site, Steve Hackett explique le concept de couverture réalisé par Denise March : « J’ai longuement discuté avec Denise des idées pour la pochette de l’album, car je voulais inclure à la fois le cirque et la baleine, deux thèmes centraux de l’histoire de l’album. Le cirque dans la bouche de la baleine a l’air d’être dans un ouragan parce que la baleine menace le pouvoir de contrôle du cirque. La baleine est à la fois la mort et la renaissance…
L’utilisation audacieuse des couleurs et des images par Denise donne une impression puissante de la monstruosité de la baleine et de la peur qu’elle puisse vous avaler tout entier. Cependant, la lune brillante, image liée à l’un des thèmes de l’amour, donne un sentiment d’espoir, car le protagoniste de l’histoire trouve la lumière en affrontant la terreur de l’obscurité qui règne à l’intérieur de la baleine. »
L’album, qui arrive près de deux ans après son dernier effort, Surrender of Silence, met en scène ce qui est devenu son principal groupe de tournée : Roger King (claviers, programmation et arrangements orchestraux), Rob Townsend (saxophone), Jonas Reingold (basse), Nad Sylvan (voix principale sur une des chansons), Craig Blundell (batterie), Amanda Lehmann au chant et John Hackett (le frère de Steve) à la flûte.
Quelques musiciens invités donnent également un coup de main : Nick D’Virgilio et Hugo Degenhardt à la batterie, l’ingénieur Benedict Fenner aux claviers et Malik Mansurov au tar, un luth à long manche ressemblant à un sitar originaire du Moyen-Orient. Mais le moteur de ce train, comme toujours, c’est Hackett, dont la vision de la composition va de pair avec son travail remarquable aux guitares électriques et acoustiques, à la 12 cordes, à la mandoline, à l’harmonica, aux percussions, à la basse et au chant.
Toutes les chansons ont été écrites par Steve, en collaboration avec son épouse, l’auteure Jo Hackett, ainsi que Roger King.
Un plongeon dans le passé
The Circus And The Nightwhale débute dans le Londres d’après-guerre des années 1950, reflétant l’époque où Steve a grandi à Battersea, avec l’emblématique centrale électrique (oui, la même qui apparait sur l’album Animals de Pink Floyd). Bien en vue depuis sa maison familiale. People Of The Smoke évoque cette époque sale et brumeuse, ainsi qu’une ville encore traumatisée par la Seconde Guerre mondiale. La chanson offre un collage sonore de l’industrie, de la société et des médias, créé par Steve et Roger, ainsi qu’un passage d’orchestre à cordes qui est bientôt rejoint par la guitare tranchante de Hackett, Nick à la batterie, Jonas à la basse et Amanda au chant, alors que les personnages entrent et sortent de l’histoire. La voix de Steve, ici et ailleurs, est forte et plus assurée que jamais.
Après cette entrée en matière assez marquante, on entend ensuite une pièce instrumentale de 90 secondes, Passing Clouds, influencée par la bande originale latino-jazz de Black Orpheus et par le compositeur de films français Michel Legrand.
Celle-ci est une interlude à Taking You Down, qui parle d’un enfant que Steve connaissait, qui était un joueur de cartes à l’âge de neuf ans, et d’un pyromane qui a appris à Steve à fumer. La pièce met en valeur la voix satanique de Nad Sylvan, le même qui chante la plupart des chansons de Genesis avec Steve en spectacle. Elle offre un solo de saxophone sauvage et lancinant de Townsend. La pièce illustre un Travla qui grandit en compagnie douteuse, jusqu’à la découverte de la musique, en particulier de la guitare, qui lui permet de changer de vie.
Une trilogie musicale parfaitement intégrée
Après cette entrée en matière fort prometteuse, le légendaire ex-guitariste de Genesis livre une suite musicale en trois parties qui démontre parfaitement qu’à 74 ans, il est toujours au sommet de son art, se lançant des défis à lui-même et à ses fans en innovant.
La trilogie s’ouvre sur Found and Lost, un morceau de guitare classique dépouillé qui se transforme en une ballade jazz de style cabaret sur un premier amour fugace. Ce morceau aurait eu sa place sur n’importe quel album de standards Blue Note des années 1950. Avec des sons de trompette étouffés et une voix brûlante de Hackett qui donnerait du fil à retordre à tout bon jazzman.
Ce mariage de guitares à cordes de nylon et d’ambiances de films noirs mène directement à un morceau chatoyant à 12 cordes et piano, Enter the Ring. Recouvert d’harmonies vocales luxuriantes qui rappellent le classique de Genesis, Entangled (coécrit par Hackett et Tony Banks au milieu des années 1970). À partir de là, le morceau gagne en intensité pour devenir un entraînement prog-rock, avec des signatures temporelles changeantes et des lignes de flûte fredonnées par John Hackett qui font écho à Ian Anderson (Jethro Tull).
Et comme si cela ne suffisait pas, cette pause rock laisse place à un mashup de thèmes de cirque excentriques et de rock orchestral qui prépare le morceau le plus lourd de l’album, Get Me Out. Dirigé par les frettes électriques brûlantes d’Hackett, qui se maintiennent sur les stéroïdes.
Le résultat est un tour de force étonnant, à couper le souffle. Ce qui est le plus remarquable, cependant, ce n’est pas seulement la manière dont Hackett fusionne ces genres disparates, mais aussi la façon dont chaque morceau s’enchaîne sans heurt au suivant, sans paraître forcé ou artificiel.
C’est cette qualité de la musique de Hackett – le tour de force musical et la facilité avec laquelle il assemble des styles musicaux contrastés – qui le distingue des autres. C’est aussi ce qui rend ce nouvel album aussi fort que tout ce que Hackett a produit au cours des 55 dernières années, à l’intérieur et à l’extérieur de Genesis.
Le tout est suivi de la pièce la plus proche de Genesis de l’album, Ghost Moon and Living Love, une jolie ballade avec une intro de chœur céleste interprétée par Amanda Lehman. La mélodie d’ouverture, dont Hackett dit qu’elle lui est venue dans un rêve fiévreux, est un mini-oratorio céleste qui s’intégrerait parfaitement au Messie de Haendel. C’est une introduction enivrante au rock mid-tempo à venir.
Il est suivi de Circo Inferno, un rock prog-metal enflammé qui s’ouvre sur une mélodie frénétique Moyen-Orientale, qui se transforme progressivement en un mur de son sauvage qui souffle comme un scirocco musical.
Suivent deux instrumentaux brefs mais intenses, Breakout, porté par une ligne de batterie implacablement propulsive et All at Sea, avec une ligne de guitare solo de Hackett qui se rapproche des cris de baleine.
Ces brefs interludes préparent un autre cycle de trois chansons qui clôt l’album. La première de la série, Into the Nightwhale, explore les défis liés à la confrontation avec les démons personnels et le pouvoir de transformation de l’amour. La chanson, qui est la plus progressive de l’album, se développe jusqu’à un point culminant tonitruant qui cède finalement la place à un paysage sonore ambiant et naturel luxuriant de type Yes. Celui-ci fait écho aux premières notes de Close to the Edge, comme l’exprime Hackett : « Visions of love beyond word…I’ll be there when the darkness surrounds you. (Visions d’amour au-delà des mots…Je serai là quand les ténèbres vous entoureront). »
Elle est suivie de Wherever You Are, une chanson d’amour d’un romantisme inconditionnel qui compte parmi les meilleures œuvres de Hackett offrant un message d’espoir et de résilience qui résonnera avec les auditeurs à un niveau profondément personnel.
Enfin, Hackett termine l’album avec le magnifique White Dove, un autre morceau de guitare classique en solo qui est joué comme une suite musicale à son étude à la Bach, Horizons, du classique Foxtrot de Genesis de 1972.
The Circus And The Nightwhale est un album conceptuel au sens propre, invitant les auditeurs à s’immerger dans l’histoire de Travla et, par extension, dans celle de Steve Hackett lui-même. C’est un voyage à travers les rues enfumées de Londres jusqu’aux royaumes éthérés des rêves et de la magie, mis en valeur par la musicalité inégalée de Hackett et ses prouesses de conteur.
Une écoute indispendable
Pour les fans de rock progressif et ceux qui ont suivi la carrière de Steve Hackett, The Circus And The Nightwhale est une écoute indispensable. C’est une œuvre qui met en évidence non seulement les talents de guitariste et de compositeur Hackett, mais aussi sa capacité à communiquer avec l’auditeur sur le plan émotionnel et spirituel. Cet album est une célébration du voyage de la vie, avec ses hauts et ses bas, et un rappel du pouvoir de transformation de la musique.
Sur son site, Steve offre une belle conclusion à laquelle pourquoi devrions nous se procurer The Circus and The Nightwale : « J’adore cet album. Il dit les choses que j’avais envie de dire depuis très longtemps », déclare-t-il, ajoutant : « C’est un beau voyage qui commence dans un environnement sale, grattant et enfumé et qui devient céleste et divin. Comment y résister ? »
Le nouvel album est disponible en plusieurs formats, dont un CD limité et un livre multimédia Blu-ray (comprenant un son surround 5.1 et des mixages stéréo en haute résolution 24 bits), un CD standard, un vinyle Gatefold 180g et un album numérique. Toutes les pochettes sont ornées de l’étonnante peinture de Denise Marsh.
Fabriqué au Québec!
Basé à Montréal, capitale mondiale du rock francophone!
BANNIÈRE: MURIEL MASSÉ
WEBMESTRE: MARCO GIGUÈRE
RÉDAC’CHEF: MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE
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