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Doors Strange Days

Inspiré par Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band
Strange Days, The Doors
Publié le 11 février 2023

Par Jean-Jacques Perez, Marseille

 

USA 1967 – Label Elektra

Influencé par les Beatles

Après un premier album éponyme, publié en janvier 1967 avec les hits Break On Through (To The Other Side) mais surtout Light My Fire, les Doors sont propulsés rapidement au rang des groupes rock les plus importants des Etats-Unis, à la renommée internationale.

Le chanteur shamanique Jim Morrison, le claviériste Ray Manzarek, le guitariste Robby Krieger et le batteur John Densmore se voient obligés de retourner rapidement en studio afin de confirmer ce succès. Mais les musiciens veulent y mettre le paquet et avoir une certaine liberté. D’autant, qu’ils ont en leur procession une copie du Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles avant même sa sortie. Les ayant hallucinés à l’écoute, ils souhaitent désormais suivre cette voie et exploiter toutes les possibilités d’un studio grâce à l’utilisation d’un enregistreur 8 pistes dernier cri.

John Densmore, Robbie Krieger, Ray Manzarek et Jim Morrison. (AP Photo/file)

Pour l’occasion, le groupe s’adjoint les services du bassiste Doug Lubahn, ex-Clear Light, sur quelques titres pour les gonfler à l’hélium. Il en résulte Strange Days, second opus donc, avec 10 pistes au compteur. Si Strange Days est une excellente suite au premier 33-tours, il semble prendre tout de même une autre direction musicale.

Un album sombre

The Doors sentait le soleil, la joie de vivre, l’insouciance voire une certaine innocence. Strange Days va se montrer sombre, inquiétant mais surtout étrange. Étrange comme les jours qui passent. Étrange comme ces gens que l’on croise. Étrange comme les textes engagés remplis de mélancolie de Jim Morrison, poète maudit. Étrange comme les sons de l’orgue Farfisa de Ray Manzarek d’inspirations blues teintées de Bach. Sons qui se montrent kaléidoscopiques dans le titre éponyme (où Jim Morrison exploite un synthé Moog) en ouverture et Unhappy Girl.

Aussi, ce son apparaît gothique dans Love Me Two Times évoquant un soldat qui passe son dernier jour avec sa petite amie avant de partir pour le Vietnam (paroles écrites par Robby Krieger). Qui se dévoile énigmatique dans Moonlight Drive et My Eyes Have Seen You. Qui se présente désenchanté dans People Are Strange et I Can’t See Your Face in My Mind.

Pochette du Single People Are Strange avec Unhappy Girl

angoissant et apocalyptique

Un des titres se montre angoissant et apocalyptique, Horse Latitudes (nom donné aux eaux entre 30° et 35° de latitude) où Jim Morrison en pleine lamentation raconte l’histoire de chevaux jetés en mer afin d’alléger les navires de marins apeurés. Jim Morrison s’est inspiré d’une couverture de livre qu’il avait vu lorsqu’il était enfant, sur laquelle un cheval était jeté à la mer, et qui l’avait beaucoup marqué.

Afin de nous plonger dans un cauchemar, l’ingé son Bruce Botnick se sert d’un fond sonore blanc issu d’un magnétophone où en variant la vitesse, il obtient ce bruit de vent qui souffle pendant que la voix de Jim Morrison se mélange à des cris d’une foule terrifiée. Quant aux instrumentistes, ils explorent les possibilités de la musique concrète.

The Doors. 1967

Autre titre, plus anecdotique cette fois-ci, You’re Lost Little Girl mais qui va en décevoir plus d’un. Le producteur Paul A. Rothchild insiste pour que Jim Morrison ne force pas trop le chant. Afin que sa voix soit suave et détendue, il a l’idée de faire venir une prostituée pour faire une gâterie au chanteur. Ce dernier est évidement bien emballé. Toutefois, c’est Pam Courson, la petite amie de Jim Morrison qui est chargée de la gâterie en question. Mais contrairement à ce que laisse entendre le film d’Oliver Stone, ce n’est pas cette version qui a été retenue.

À l’écoute de ce disque, il semble que les musiciens sortent de l’ombre de Jim Morrison alors omniprésent dans le premier Lp. En plus des claviers de Ray Manzarek qui plantent le décor, la guitare sous acide de Robby Krieger ose des riffs et cisèle de somptueux soli bluesy et aérés, ne laissant plus le monopole de la mélodie au claviériste. Quant à la batterie de John Densmore au style jazzy, elle se révèle de plus en plus redoutable.

33-tours qui laisse parler la musique

Bref, les Doors veulent offrir un 33-tours laissant parler la musique. Ce qui peut expliquer cette pochette curieuse où l’on se retrouve dans une ruelle qui semble être une cour des miracles à observer des individus en marge (jongleur, acrobates, trompettiste, colosse moustachu au crâne rasé, souleveur de poids habillé en peau de bête, nains au regard malicieux…).

Les Doors ne voulaient pas apparaitre sur cette illustration, ni même y mettre le nom du groupe. Mais face à la concurrence (Beatles, Hendrix, Pink Floyd, Traffic, Velvet Underground, Love…) le label Elektra juge cette fantaisie trop risquée. Finalement le groupe y apparait de manière discrète sur une affiche collée au mur de la ruelle. Cette illustration d’une froideur bleutée participe activement à l’atmosphère obscure que dégage ce disque.

La finale

Le Lp s’achève avec les 11 mn de When The Music’s Over aux effluves prog. Pièce terrifiante, dévastatrice, magistrale, orgasmique, illusoire, tragique et psychotique. Elle alterne les tempos et les ambiances entre passage planant, heavy, douceurs trompeuses, improvisations psyché, moment vaguement inquiétant, brèches violentes.

Les claviers de Ray Manzarek sont hypnotiques, vaporeux et pesants. La guitare de Robby Krieger élabore des soli acid rock malsains et stoner où la mort trash guette l’auditeur non averti. La batterie de John Densmore est menaçante et oppressante. Mais surtout, cette longue piste met à jour un Jim Morrison désespéré, torturé, rageur qui théâtralise, qui nous invite à une danse hallucinatoire et termine les paroles par The End afin de faire le pont avec le premier disque.

Le succès

À sa sortie en septembre 1967, Strange Days rencontra un certain succès. Mais pas au point de dépasser l’album The Doors. Probablement dû à l’absence d’un hit de la trempe de Light My Fire. Mais me concernant je ne m’en plains pas. Il faut dire que j’ai découvert les Doors pas cette galette et je fus rapidement séduit. Ébloui par l’enchaînement cohérent des titres et ces sonorités qui donnent à ce Lp l’aspect d’un album concept m’entraînant dans un cirque surréaliste avec un Jim Morrison trapéziste.

Dans l’histoire des Doors et du feu Jim Morrison, on retient trop vite le premier album, un best of à lui seul, et L.A. Woman aux compos à la fois complexes et séduisantes mais surtout qui jaillit comme le chant de cygne d’un poète qui s’est consumé en tentant de franchir les portes de la perception.

Pourtant Strange Days montre le vrai visage des Doors et plus particulièrement celui de Jim Morrison. Strange Days est un album incontournable du rock psychédélique américain et bien au-delà. Strange Days est parfait.

 

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BANNIÈRE: MEL DEE
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RÉDAC’CHEF: MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE

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