Top 5 rock des poètes
Publié le 5 juin 2025
Par Stéphane Despatie, Emmanuel Deraps et Sylvain Turner
Ricardo Langlois a demandé à ses amis poètes les 5 albums importants qu’ils ont préféré dans leur vie.
« C’est en lisant un article sur l’écrivaine Amélie Nothomb, qui aime la musique, qui aime les musiques extrêmes, que l’idée m’est venue de demander auprès de mes amis leurs passions musicales. Amélie Nothomb écrit un livre par an depuis 1992. Cette femme douce et rieuse brise un tabou. Dans les années 80, elle découvre Iron Maiden et Metallica. Le classique est aussi nommé. Mais l’enthousiasme des fans jouent aussi un rôle. »
« J’ai réussi à vendre mon livre Mille soleils au centre Bell à des dizaines de fans à un spectacle de Metallica. »
« J’ai demandé à trois écrivains québécois (des amis que j’admire) de me parler de leurs musiques préférées. Les résultats sont étonnants. La musique rock est complexe, le saviez vous? »
Stéphane Despatie
Poète, romancier et éditeur aux Mains Libres
Voici 5 albums qui m’accompagnent depuis toujours, des albums qui m’ont touché, des albums qui m’ont aussi stimulé artistiquement ou intellectuellement.
Si le choix s’est imposé de manière assez évidente, il y a quand même de grands absents que j’écoute pourtant depuis toujours, des groupes dont j’ai tous les albums comme King Crimson, Pink Floyd, Led Zeppelin ou les Doors pour n’en nommer que quelques-uns. Dans d’autres genres, m’accompagnent aussi Miles Davies, Mozart, Jacques Brel, Alain Bashung, Leonard Cohen… et je peux aussi partir sur de longues périodes avec Black Sabbath, les Stones ou avec les Cure, Cypress Hill ou les Beasty Boys.
Mais j’ai choisi ici ce qui m’a construit, ce qui m’habite constamment, ce qui a influencé mon propre parcours de créateur.
1) Selling England by the Pound, Genesis.
Mon histoire d’amour avec cet album commence à sa sortie. En effet, en 1973, Genesis vient pour la première fois donner un concert à Montréal et je suis trop jeune pour y aller, mais mon grand frère, lui, y va et écoute en boucle l’album dans la maison les jours précédents le célèbre concert au Cepsum. Je ne parle pas anglais, mais connais l’album par cœur.
À l’adolescence, je me mettrai à collectionner tout ce qui concerne Genesis, j’écouterai chaque album religieusement, et pas seulement ceux de la « sainte période Peter Gabriel » (dont je suivrai attentivement la carrière solo également), je les écouterai et les aimerai tous. Particulièrement Foxtrot, Nursery Cryme, mais aussi A Trick of the Tail, Wind and Whutering, Duke et les autres. Mais je garde un attachement particulier à Selling England by the Pound.
La pièce d’ouverture Dancing With the Moonlit Knight m’a toujours émerveillé, I Know What I Like m’a toujours rendu heureux et Firth of Fifth, tant pour son aspect mélodieux et harmonieux que pour, à bien des égards, la virtuosité dont elle témoigne, me touche toujours autant. Firth of Fifth rassemble parmi les plus beaux passages de Steve Hackett (guitare) et de Tony Banks (claviers), mais aussi des lignes de basse (Mike Rutherford) remarquables et évidemment, de grands moments de batterie (Phil Collins) et la voix comme la présence de Peter Gabriel à son meilleur. Un album chaleureux, mélodique, très équilibré, et techniquement intéressant.
2) Moving Pictures, Rush
Un album qui commence avec une pièce comme Tom Sawyer n’a besoin d’aucune explication pour figurer au sommet. Pour une des premières fois de l’histoire, le talentueux multi-instrumentiste et virtuose de la basse, Geddy Lee, y chante autant avec sa vraie voix que sa voix de tête, et le résultat est fabuleux. Alex Lifeson y joue comme un dieu et le regretté Neil Peart, fidèle à son habitude, nous donne une leçon de batterie en plus de cosigner un texte juste.
Le reste de l’album est aussi flamboyant; on pense à des pièces emblématiques du groupe, telles que Red Barchetta, YYZ et Limelight. J’ai écouté et aimé aussi tous les albums de Rush, mais celui-ci est définitivement un grand album, celui qui a propulsé le trio dans une classe à part. On l’écoute autant pour les mélodies à la basse ou à la batterie (ce qui n’est pas si courant!) que pour sa cohésion et sa magie.
3) Running Up That Hill, Kate Bush
Je n’oublierai jamais la fois où on a pu entendre, en première mondiale, cet album de Kate Bush qui nous avait déjà donné de grandes chansons, peut-être même de plus grandes chansons que celles que l’on trouve sur cet album (on a qu’à penser à la célèbre Whutering Heights). Pourquoi? Parce que ce nouveau disque amenait un son nouveau, singulier, étrange, moderne et les textes nous mobilisaient.
Sur une note personnelle, cette anecdote qui explique encore plus mon attachement à ce bijou : vingt-cinq ans après sa sortie, j’ai fait un premier Ironman dans le but de ramasser des fonds pour la recherche sur le cancer. Cet Ironman, c’était un pacte avec la vie, car mon fils aîné, atteint d’un cancer, stade 4, avec très peu de chances de survie, venait de livrer avec succès un combat contre la maladie. Pendant une bonne partie de la course et pendant l’entraînement, j’avais en tête la chanson titre et ces paroles : And if I only could/ I’d make a deal with God/ And I’d get Him to swap our places.
Si tout l’album me plaît, la pièce-titre revêt donc une importance capitale pour moi. Ensuite, j’ai un faible pour Cloudbusting, son rythme, sa poésie et son ambiance presque cinématographique.
4) Revolver, The Beatles
Un autre cas de figure où pratiquement tous les albums du groupe pourraient figurer dans mon top 5, mais sur celui-ci, il y a cette pièce : Here, There and Everywhere, qui pour moi, à elle seule, contient une bonne partie de tout ce que les Beatles pouvaient faire de bon. Si ça n’a pas la complexité de A Day in the Life, la flamboyance de l’approche non mathématique de Strawberry Fields Foverer ou la précision de Penny Lane, Here, There and Everywhere est magnifique et touchante. Ensuite, comme l’album regroupe aussi des pièces comme Eleanor Rigby, I’m Only Sleeping (qui inclut peut-être le premier « son inversé » de l’histoire) et Tomorrow Never Knows, on comprend qu’il s’agit d’une période charnière et extrêmement variée (il y a même beaucoup de cuivres sur Got to Get You Into My Life), entre la période pop ou rock n’roll et celle plus expérimentale qui viendra et marquera à jamais ce qu’on appelle simplement le rock.
Et j’aime cet album pour ces pièces citées, ses innovations techniques et j’adore que Tomorrow Never Knows démontre clairement le génie de Ringo Starr (souvent présenté comme un batteur très limité).
5) OK Computer, Radiohead
Voilà pour moi un album brillant qui vient s’inscrire, d’une certaine manière et bien des années plus tard, dans la lignée des albums cités précédemment. Comme si Thom Yorke, chanteur et auteur-compositeur principal du groupe, avait su rassembler dans un même projet, King Crimson, Genesis, Blondie, Joy Division et Bauhaus. Une sorte de groupe progressif contemporain qui aurait écouté du punk et lu beaucoup de poésie.
Un album génial où l’on boucle sa ceinture et partons à l’aventure pour près de 54 minutes sans interruption. Mon préféré du groupe qui, pourtant, compte beaucoup de très bonnes pièces et de très bons albums. Mais celui-ci est un des plus équilibrés et aussi, il est lumineux en comparaison avec certains bijoux, mais relativement déprimants, de Thom Yorke en solo.
Par ce top 5, j’ai tenté et réussi, je crois, à donner un aperçu réel des albums qui, dans ma discothèque, traversent les années et restent toujours sur le dessus de la pile. J’ai besoin de ces albums, tout autant que j’ai besoin, parfois, de Tom Waits, de Simon and Garfunkel, de Supertramp, de John Coltrane, de Robert Charlebois, de Frank Zappa, de Voïvod ou de Joni Mitchell.
Sylvain Turner
Chroniqueur à CIBL, romancier et poète
Sylvain Turner est poète, romancier et chroniqueur à l’émission Libraire de force. Il s’est illustré avec la publication d’In extremis, finaliste au Prix d’excellence de la poésie 2023 de La Métropole. En mémoire des filles, son premier roman, publié aux Éditions Mains libres, s’est
mérité un excellent accueil critique.
1-Screaming for vengeance de Judas Priest
Véritable chef-d’œuvre du heavy métal, cet album sorti en 1982 est génial du début à la fin. Rob Halford, l’une des plus grandes voix du rock, était alors au sommet de son art, alors que les guitaristes K.K. Downing et Glenn Tipton atteignaient un rare degré de perfection dans leur jeu. Ian Hill à la basse et Dave Holland à la batterie excellaient, eux aussi. J’écoute encore les pièces You’ve Got Another Thing Comin, Fever et (Take These) Chains avec ravissement, plus de quatre décennies après la sortie de cet album.
2-Diary of a Madman d’Ozzy Osbourne
Deuxième album de l’ancien chanteur de Black Sabbath, Diary of a Madman est un véritable bijou, notamment grâce au brio de Randy Rhoads, ce virtuose de la guitare, victime quelques mois après la sortie de l’album d’un crash d’avion à l’âge rock and roll de 27 ans. Le néoclassicisme de plusieurs chansons de cet album, notamment de la pièce titre, a contribué à lui donner l’aura d’un classique dès sa sortie.
3-Shout at the Devil de Mötley Crüe
C’était l’album qu’on écoutait le plus, ma gang de rockeurs et moi, à l’époque de nos études secondaires. Les textes des chansons comme Bastard, Too Young to Fall in Love et Red Hot composaient la trame sonore de notre adolescence, marquée par la découverte de la sexualité, de la drogue et de l’alcool. Mötley Crüe, c’était le KISS de notre génération, et je n’ai qu’à écouter cet album pour avoir de nouveau 17 ans, un âge où on n’est pas sérieux, écrivait Rimbaud, mais où on est extrêmement vivant!
4-¿Dónde jugarán las niñas? de Molotov
Premier opus du groupe mexicain Molotov, ¿Dónde jugarán las niñas? a permis à ce groupe de musiciens multi instrumentistes de connaître la gloire, partout en Amérique latine. Molotov nous offre un rock provocateur, irrévérencieux, aux sonorités parfois kitsch, parfois groovy, souvent soul, mais toujours efficace. Cet album s’est mérité le Grammy Latino dans la catégorie Meilleur album rock latino alternatif en 1998, en plus d’être louangé par le magazine Rolling Stone, entre autres.
5- No 2 de Bernard Adamus
J’ai hésité entre Brun et No 2, ces albums que je ne me lasse pas d’écouter. Sur No 2, des pièces comme Fulton Road, 2176 et Le scotch goûte le vent m’émeuvent et m’enchantent à la fois. Il y a quelque chose de profondément québécois chez Adamus, une authenticité qui traverse toute son œuvre. Celle-ci s’illustre par ailleurs par sa grande richesse poétique, un plus pour le poète que je suis.
Emmanuel Deraps
Poète. Il vient de faire paraître Dans l’intime duvet de la disparition, éditions Poètes de brousse
Il aime aussi ces albums : Where Owls Know My Name (2018), de Rivers of Nihil et The Enduring Spirit (2023), de Tomb Mold; les deux pour leur brutalité, tout en restant dans un esprit progressif, avec un usage savoureux de saxophone, tout en complexité.
Ensuite, American Gothic (2023), de Wayfarer, pour ce savant mélange de black métal aux atmosphères country et d’americana. Et finalement, au Québec, avec Le Dôme (1996), de Jean Leloup et Le volume du vent (2008), de Karkwa — deux albums dont la poésie et les ambiances sans pareilles ont marqué plusieurs générations.
Wish You Were Here (1975), de Pink Floyd; un album profond sur l’absence — une forme de deuil — qui m’a toujours profondément touché, mais encore plus depuis le départ de mon père. Le parfait mariage entre l’écriture de Roger Waters et les guitares émotives de David Gilmour.
Si on avait besoin d’une cinquième saison (1975), d’Harmonium; l’apogée du folk prog québécois, avec ses compositions qui n’ont rien à envier au meilleur du prog international de la même époque.
Gloire Éternelle (2021), de First Fragment: un groupe de death métal technique longueuillois mené par Phil Tougas, un des guitaristes les plus en vue de la scène de métal extrême. Du néo-classique au death métal brutal, en passant par le flamenco, Gloire Éternelle est un album riche et varié qui s’est probablement déjà taillé une place au panthéon des albums de death technique.
Terrasite (2023), de Cattle Decapitation; un album extrêmement brutal explorant les concepts chers au groupe américain qui roule depuis près de 30 ans; l’anthropocène, le climat, le véganisme — sans se gêner pour aller dans un mélodisme qui lui est propre. Travis Ryan, le vocaliste du groupe, est ici pionnier d’un style vocal en devenir.
Absolute Elsewhere (2024), de Blood Incantation: mon album de l’année en 2024, une œuvre magistrale où se mélangent tout naturellement la brutalité du death metal — avec ses voix gutturales, ses riffs effrénés et ses rythmiques infernales — et les sonorités rock progressif des années 1970: comme un croisement entre Morbid Angel et Pink Floyd. Un death métal cosmique sans précédent.
Fabriqué au Québec
Basé à Montréal, capitale mondiale du rock francophone
INFOGRAPHE: MURIEL MASSÉ
WEBMESTRE: MARCO GIGUERE
RÉDAC’CHEF: MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE
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