TROIS-RIVIERES EN BLUES
Texte : Nathalie Leblond Photos : J-F Desputeaux
Du 22 au 25 août, la ville de Trois-Rivières était elle aussi au rythme du Blues. Que ce soit à l’Amphithéâtre Cogeco ou dans les restaurants, bars et rue Badeaux du centre-ville, de nombreux artistes canadiens, américains et d’aussi loin que l’Australie ont donné des fabuleuses performances de haut calibre.
Pour cette première soirée de cette 11ème éditon, c’est l’icône du Blues canadien, Jack De Keyzer qui a réchauffé les planches. Son talent l’a amené à collaborer dans sa carrière avec nul autre qu’Etta James, Otis Rush, Bo Didley, Blue Rodeo et j’en passe. Suivi de Doyle Bramhall ll, cet américain qui a partagé la scène avec Eric Clapton, Roger Waters, Elton Jones et Nora Jones comme guitariste.
Melissa Etherigde
Devant un public conquis d’avance, elle monte sur scène toute souriante et dès les premiers Hello, hello…. Nous répondons This is Romeo, cette chanson No souvenirs nous ramène dans son univers musical. De son premier album éponyme Melissa Etheridge sorti en 1988, jusqu’à son tout récent The Medecine Show, elle a compilé plusieurs places honorables au Billboard américain, et dans de nombreux autres pays, en plus de remporter 2 statuettes au Grammy Award. Avec plus de quinze albums studio à son actif, cinq en spectacles, une quarantaine de singles et autant en vidéos, cette auteure-compositeure-interprète américaine en a eu des succès radiophoniques. Qui, adolescent, n’a pas fredonné une de ses chansons? Telle que I’m the Only One, Come to my Window, Bring me Some Water, I Want to Come Over, Like the Way I do…
Elle a vieilli certes, comme nous tous. Melissa Etheridge possède toujours une voix aussi mélodieuse, accrocheuse et puissante. Que ce soit acoustique, électrique, à 6 ou 12 cordes, elle est encore en pleine maîtrise de son instrument. Vous saviez qu’elle avait plusieurs talents? En rappel avec I’m the Only One, elle a exécuté à la fin en duo avec son batteur, une prestation du tonnerre aux tambours, c’était époustouflant! On en a eu plein les oreilles et le cœur bondé d’amour. Melissa Lou Etheridge, merci infiniment pour ces instants de bonheur partagés.
Pour la deuxième soirée, ce fut encore une soirée Blues comme on les aime. Diunna Greenleaf avec sa voix contralto d’une puissance éclatante, accompagné de Mike Goudreau, nous ont transporté ailleurs avec leur blues gospel. Frissonnant vous dites ?
Castro Coleman, alias Mr. Sipp, grand gagnant en 2014 de l’ International Blues Challenge, le Mississipi blues child nous en a mis plein la vue et les oreilles avec ses riffs de guitare hallucinants. On ne peut nier que du sang d’Hendrix lui coule dans les veines…. Avec Dawn Tyler Watson qui monte sur scène, à l’unisson, nous lui chantons Happy Birthday to you … Très touché, il nous remercie grandement. Avec charme et délicatesse, il nous ramène à l’époque où le blues était à ses prémices avec cette magnifique interprétation de Sam Cooke qui date des années 60, A Change is Gonna Come. Cette saisissante hymne à l’amour nous a évoqué la souffrance, l’injustice et l’espoir de ce peuple méprisé, qui a cru en des jours meilleurs. Cette chanson a d’ailleurs refait surface lors de l’investiture américaine de Barack Obama. Nous lui avons réservé une ovation de plusieurs minutes suite à cette prestation d’une intense sensibilité, gorgée d’émotion et touchante à souhait. Il en a été profondément ému, les yeux dans l’eau à recevoir tant d’amour des gens debout à l’acclamer. L’amour n’a pas de couleur, c’est ce que nous voulions lui faire part. Du bonheur émotionnel livré avec intensité. Mr. Sipp un de mes coups de cœur cette année!
Colin James
Il est à son deuxième passage à Trois-Rivières en Blues, ce canadien que l’on connaît et écoute toujours depuis la fin des années 80, nous avait accroché avec Why’d you lie et Just Came Back. Récipiendaire de plusieurs Junos, il nous a joué son plus récent album, Miles to Go, dont Steve Marriner en est l’harmoniciste. Cet opus à saveur pop rock a su combler les attentes des fans. Il est resté aussi captivant ce Colin James. On ne l’avait pas oublié, nous avons été charmés par sa prestance et souhaitons le revoir plus souvent.
La troisième journée commençait à midi trente sur la rue Badeaux au centre-ville avec d’autres savoureux groupes comme South Breeze, Danielle Nicole Band, Ben Racine Band, Lachy Doley, Paul Deslauriers band, Steve Strongman Band et de nouveau Jack De Keyser. Tout ce dont nous avions besoin pour nous garder captif à festoyer.
Rick Estrin & The Nightcats
Si vous aviez le goût de vous divertir différemment tout en restant dans le Blues, Rick Estrin &The Nightcats, c’était le bon choix. En 2018, ils ont été couronnés le groupe de l’année aux Blues Music Awards. Estrin est un excellent harmoniciste et est aussi un excellent conteur. Son répertoire est composé de petites histoires drôles et amusantes qu’il nous chante tout sourire. Toujours bien tiré à quatre épingles dans ses habits satinés de couleurs pastel et coiffé au brylcreem, il est original et garde la forme en se dandinant assez aisément malgré sa séniorité. Il est adorable avec sa bouille joviale. Un nom à retenir, vous allez apprécier ce divertissement!
Dwane Dixon
Vers 18 hrs samedi, dès notre arrivée sur le site du magnifique Amphithéâtre Cogeco, nous étions conviés par la musique et le talent de Dwane Dixon. Cet artiste montréalais dont je vois le nom un peu partout et ce, dans tous les festivals de blues au Québec et que malheureusement, je n’ai jamais pu m’y attarder. Mais ce soir, je suis toute là, juste pour lui … Nous offrant son Rockin’ Roadhouse Blues, un son à La Bad to the bone, c’est bon, même très bon. Il a de petites notes à connotation Hendrix, je l’adore. Il a fait des reprises comme Fellin’ Alright de Joe Cocker, Allman Brothers et en short cut SRV, car il avait excédé à l’horaire. J’avoue aisément être vraiment réjouie d’avoir fait sa connaissance, un artiste qui dispose d’excellentes habilités vocales et manuelles. Déjà plusieurs albums à son actif, il nous a joué quelques chansons de son dernier intitulé Betting on Gambling Man,un album assez vivifiant! Mon gros coup de cœur de cette édition de Trois-Rivières en blues. J’assiste depuis des années dans tous les festivals de blues, aux balbutiements des nouveaux bands de demain. De nouveaux sons, de nouveaux styles, de nouvelles voix. Du bonheur de savoir que la relève Blues au Québec est en mouvement et bien vivante… Et je peux vous affirmer que Dwane Dixon en fait partie!
Coco Montoya
À l’apéro du samedi, on nous a servi Coco Montoya ce légendaire bluesman qui à ses débuts était batteur pour Albert Collins et qui par la suite ce dernier lui enseigna son style de Ice Picking à la guitare. Quelques années plus tard, le réputé John Mayal l’invite à rejoindre en tant que guitariste au côté du réputé Walter Trout dans sa nouvelle formation musicale Bluesbreakers. C’est en 1993 que ce Californien d’origine lança sa carrière solo et après 10 albums plus tard, il est considéré comme l’un des meilleurs de sa génération. Sa musique a été envoûtante, sa voix expressive… Le SHOW de la soirée. Avis à tous, Coco Montoya est un véritable cadeau à s’offrir.
Vintage Trouble
Cette formation californienne formée en 2010 est sans contredit une révélation en soi. Avec leur style de swaggering rock, soulful blues, R&B grooves nous rappellant un certain James Brown. Vintage Trouble, c’est quatre musiciens assez funny qui nous en mettent plein la vue et sèment le bonheur en abondance. Sans Ty Taylor au chant ce ne serais pas pareil, il a de la groove, une présence scénique incroyable, à lui seul ça veut le détour…. Se payant une tournée partout au parterre jusqu’à la zone VIP pour faire bouger les gens. Avec son charisme exceptionnel, son énergie débordante et festive, on ne peut qu’embarquer dans cette frénésie endiablée. Pour un instant, on a oublié les talons hauts et on a attaché notre tuque, car on a »swingné» sur un moyen temps!
Los Lobos
Ce groupe américano-mexicain qui s’est fait connaître avec leur version de La bamba en 1987 était de passage à Trois-Rivières en Blues pour la 1er fois. Los Lobos nous ont proposé un hybride de latino, rock, country et blues exceptionnellement pour cette occasion. Bien que l’audience à été réceptive, nous sommes restés un peu sur notre appétit. Avec leur remarquable agilité acoustique, on s’attendait à ce que ce soit un peu plus bluesé. Ce fut intéressant, il va de soi qu’il fallait être de fervents amateurs pour apprécier leur musique rock latine.
Concours Québec à Memphis
Chaque année, la Société Blues de Montréal chapeaute ce concours durant le festival. Divers artistes, duo, viennent pendant vingt minutes top chrono nous présenter leurs chansons et talents sur la scène de la rue Badeaux. En début d’après midi devant un jury aguerri, il y avait comme finaliste, Dan Livingstone, Mike Deway/Réjean Dubé, Denis Viel/ Little Leslie, Rob Lutes/Rob McDonald et Jay Sewall qui se disputaient la qualification pour aller représenter la SBM à l’Internationale Blues Challenge à Memphis en janvier prochain. Et les gagnants sont…… Le duo Denis Viel et Little Leslie (C’étaient mes préférés). Cet automne aura lieu aussi au Bistro à Jojo le volet groupe… À suivre
Night Bluemers et Breen Leboeuf
Les Night Bluemers, c’est une gang de chums dont le guitariste/harmoniciste est nul autre que le président du Festival de Trois-Rivères en Blues Christian Gamache. Avec Normand (Bill) Béliveau au chant et à la guitare, Pierre Verville au clavier et à la composition, Jean Boudreau à la basse et Jacques (Coco) Livernoche à la batterie, ils ont une superbe complicité. Ce sont des vétérans bluesmen qui possèdent un répertoire très varié. Et avec Breen Leboeuf c’était de toute beauté.
Statesboro Blues des Allman Brothers pour commencer le show… super! Avec l’autre bassiste, Breen s’échange les couplets de deux autres bières, quelle belle complicité ils ont sur scène. La toujours aussi poignante Mes Blues Passent pu dans Porte… Whipping post, House of the rising sun, Promenade sur mars et Câline de Blues en rappel… Existe-t-il encore une voix toujours aussi puissante, juste et caressante que celle de Breen Leboeuf? L’ovation était de mise, wow et rewow c’était saisissant! Breen, toi tu l’as l’affaire!
Blackburn
Les Blackburn, c’est avant tout trois frères talentueux qui nous partagent leur savoir faire et qui groovent la place de leur musique festive. D’une incroyable symbiose, la section cuivre rajoute une richesse à leurs mélodies funky. Des solos de trombone, saxophone, clavier font danser la foule sous ce beau soleil d’après- midi. Les Blackburn Brothers c’est de la chaleur, du plaisir et du soul !
Danielle Nicole Band
Et pour clôturer cette 11 em édition, de Kansas City, un des groupes chouchou de cet événement, c’est le Danielle Nicole Band. Ils n’en sont pas à leur première visite, nous avions été charmés par cette jolie bassiste qui nous a éblouis avec sa voix vigoureuse, juste et exaltante en 2017. La veille sur cette même scène avec son fidèle guitariste Brandon Miller et Kevin Taylor à la batterie, nous avons assisté à un spectacle plus acoustique. Dès les premières poussées vocales, la foule était déjà en délire. De son plus récent cd Cry no more, elle débute avec l’excellente pièce Pusher man et le reste s’en suit. Avec son guitariste, ils se chantent l’amour les yeux dans les yeux. Wowwwwwwwww on les adore! C’est pas étonnant avec tout ce talent que Danielle Nicole ait remporté en 2019 deux trophées au Blues Music Award comme meilleure chanteuse Blues contemporaine et meilleure bassiste. Pour clore cette fin de spectacle acoustique, elle nous interprète la jolie chanson de Dolly Parton, Jolene.
Danielle Nicole a commencé sa carrière en 2000, avec ses deux frères Kris et Nick Schnebelen dans leur groupe qui s’appelait Trampled Under Foot qui eux aussi ont remporté la première place à IBC de Memphis en 2014. Cinq albums ont pris naissance avec eux. Et en carrière solo, elle en est à son troisième. Pour le spectacle final, elle continue à nous charmer avec son répertoire. Cry no More, I’m Coming Home, Bobby, Hot Spell, Crawl, toutes aussi bonnes les unes que les autres. En passant par une sublime interprétation de With a Little Help from My Friends de Joe Cocker où nous nous sommes donné à fond pour la suivre dans les backs vocals. Ce fut un moment de grâce et de complicité exquis. Elle nous revient en rappel avec Save Me où elle invite une dame qui s’époumonait au parterre à monter sur scène pour chanter avec elle. Quelle générosité de sa part, elle est souriante, belle, talentueuse, comment ne pas l’aimer!
Voilà, notre Woodstock Blues de l’été 2019 est terminé.
Jean-François Desputeaux, le photographe et moi sommes heureux de vous offrir ce résumé en photos et quelques lignes sur nos soirées savoureuses de soft rock, de rock, et surtout de blues. Trois-Rivières en Blues, nous vous remercions pour cette fabuleuse édition. Ce n’est pas pour rien que les festivals de Blues au Québec sont visités par des milliers de fans et convoités par de multiples artistes car le Blues c’est une connexion directe avec le cœur. C’est émotif, viscéral et sensuel à la fois. Une dose de dopamine naturelle! C’est du bonheur… tout simplement.
Cet article a été commandité par :
Geo Giguere
5 septembre 2019 at 1:21 PM
formidable compte rendu par Nathalie Leblond et photos par Desputeaux! Bravos !