François Gagnon, de Musical Box à Acoustalectric (partie 2)
Publié le 3 juillet 2025
Par : André Thivierge
Une carrière musicale peu banale (2e partie)
Originaire et toujours résident de Thetford-Mines, François Gagnon connaît une carrière musicale peu banale. Guitariste autodidacte qui a appris le métier dans les bars et dans plusieurs régions du Québec, il est devenu membre du plus important groupe de personnalisation de la musique de Genesis, The Musical Box. Ce musicien capable d’une grande virtuosité a rencontré et côtoyé sur scène deux des membres célèbres du groupe, Phil Collins et Steve Hacket tout en développant ses capacités d’auteur compositeur et d’artisan luthier.
Étant aussi originaire de cette région, j’ai eu la chance de mener une entrevue de 75 minutes avec ce sympathique discret personnage dont les lecteurs de Famille Rock ont tout intérêt à connaître et apprécier. En voici la deuxième de 3 parties des faits saillants.
FR : The Musical Box, c’est un spectacle intégral reproduisant parfaitement les spectacles originaux de Genesis avec costumes et décors, c’est pas évident de s’adapter à ça, il ne s’agit pas juste de monter sur scène pour jouer la musique, tu dois offrir une réplique parfaite.
Il y a plusieurs facteurs qui étaient complètement à l’opposé de ce que j’étais habitué de faire depuis toujours. Je n’ai jamais joué assis tout le long d’un show, je n’ai jamais embarqué sur un stage sans chanter. J’ai toujours été un chanteur solo, pour un minimum de 50% durant la veillée, pendant trois heures de musique. En plus d’avoir une perruque!
Je n’ai jamais joué, déguisé, tout le temps, sans arrêt. Je n’ai jamais joué avec une Gibson Les Paul avant. C’est une guitare qui a une autre balance. Puis assis aussi, sur les cuisses, elle a une autre balance. J’ai jamais joué avec des fuzz. Ça, c’est les pédales à terre. Parce que dans ce temps-là, Steve Hackett, il prenait strictement des fuzz. La distorsion venait pas, mettons, de l’amplificateur comme moi j’ai été habitué d’avoir. Moi, j’ai appris à modifier et à créer mon propre design dans des amplis de guitare. Fait que les amplificateurs de guitare avec lesquelles je jouais, c’était toujours des amplis que j’ai fabriqués qui étaient sur ce concept-là. Il fallait que j’apprenne à faire sonner les fuzzs comme du monde. Puis au début aussi, il me manquait des informations par rapport à l’équipement que Steve avait depuis 1971, aller jusqu’au milieu des années 70.
Steve Hackett en 1971 à ses débuts avec Genesis
FR : Est-ce que tu connaissais le caractère technique du guitariste?
Je ne l’avais pas exploré, parce que moi, je ne suis pas tout le temps sur ma guitare quand je n’ai pas besoin de jouer, et je ne sors pas toujours plein de pièces que je ne jouerai jamais. Mais tu sais, en temps normal, du Genesis, j’en avais joué à peu près 3-4 tounes dans ma vie, mais je me suis pas amusé à sortir les autres, j’ai juste savouré à l’écoute. Fait que là, il fallait que je sorte des nouvelles tounes. Deux côtés de vinyle au complet. Là, avec un guitariste qui a un caractère très particulier, qui ne correspond pas, dans le temps en tout cas, il ne correspondait pas à ce qu’on entend aujourd’hui. En tout cas, il y avait plein de facteurs qui faisaient qu’il y avait une adaptation assez intense. Puis au début, je te dirais, je n’ai jamais vécu ça. J’avais un peu d’insécurité, puis même parfois beaucoup.
FR : On en aurait à moins, François. C’est beaucoup de pression de reproduire le monde de Genesis.
La pression est intense au début. Parce qu’en plus, il y a beaucoup de monde là-dedans que je ne connaissais pas. Il fallait que je m’adapte bien souvent à l’ambiance globale, aux personnalités. Puis à un moment donné, c’est rendu une seconde famille. Depuis la deuxième année, je te dirais, ça a été tellement intense la première tournée, ça se plaçait au fur et à mesure.
FR : Et tu as été témoin de la recréation d’une tournée mythique et dont peu de documents visuels subsistent, celle de The Lamb Lies Down on Broadway. J’ai vu et fait un article sur le spectacle donné à Montréal il y a quelques années.
Et puis, je te dirais que, mettons, celle que tu as vue il y a trois ans de Lamb, on est tous d’accord pour dire que ça a été la plus belle version qu’on a faite.
Au niveau de toutes les améliorations musicales, au niveau des partitions, les sons, les décors, certains changements de costumes qui ont été faits. Parce que Denis, le chanteur, c’est lui qui fabrique ses costumes avec sa mère. Puis lui, il a été à Real World (ndlr. les studios de Peter Gabriel), il a vu les vrais costumes des années 70. Puis il a tout vu, pris des nouvelles informations, des photos, des mesures.
Si jamais tu rencontres Serge Morissette, tu peux lui en parler. Avec tout ce qui manque comme information, il a réussi à faire un produit convaincant parce que, premièrement, avec ses contacts avec Genesis, il a déjà fait de l’archivage. Mais justement, quand il a eu le temps de faire le boîtier vert des années 70, le CD, l’âme est là-dessus, puis il y a le DVD.
FR : Donc, sur le coffret d’archives de Genesis 1970-75, ce que j’ai lu, c’est Musical Box qui a mis les diapos du spectacle du DVD dans le bon ordre.
Son nom figure sur le DVD comme le gars qui a monté les diapositives. Puis c’est très drôle parce qu’à la fin, il me dit, j’étais en meeting en train de finaliser, de confirmer l’ordre des images. Il y avait Michael Rutherford sur un côté, puis Tony Banks sur l’autre. Il est allé souvent en Angleterre faire des affaires avec eux autres. Puis les deux, chaque bord, continuaient d’argumenter. Non, c’est pas ça, là. Non, c’était ça, non. Puis là, c’était ça, puis là, c’était ça, tu sais. Mais d’un autre côté, quand on est sur le stage pis qu’on juste fait le show, je les imagine pas avoir bien le temps de regarder les diapositives parce qu’ils sont en train de jouer.
FR : C’est comme disait Phil Collins quand il avait été interviewé à Tout le monde en parle devant Martin Levac. Il dit « We’re in the band, we don’t see the band ». Tu peux pas l’apprécier.
Oui, j’ai été là pour tout ça. Je suis dans ma 21e année. C’est sûr que ce n’était pas comme au début parce que là, je connaissais le guitariste, j’avais son équipement, je connaissais ses tonalités. Parce que les tonalités de guitare, par exemple, c’est là où est-ce que tu vas chercher le caractère qui est très original d’un musicien qui est différent des autres. Parce que Steve Hackett faisait partie de la ligue progressive. Ça ne sonnait pas comme les autres guitaristes. Il ne sonnait pas hard rock, le gars-là. Moi, j’avais tout le temps sonné hard rock. Puis là, j’arrivais, il fallait que je sonne vraiment prog. Les tonalités de guitare, posséder tout ça, dans le bon moment.
Rencontres avec Steve et Phil
FR : Parlant de Steve, il a joué avec vous autres en 2012.
Il a fait des rappels à Zurich. Il a fait deux pièces. Je parlais de ce show-là, il a fait une chanson qu’il faisait souvent, régulièrement, avec son show de musique originale, quand il jouait, il jouait juste sa musique originale, qu’il fait encore d’ailleurs, mais là maintenant, il mélange, ça dépend à quel show il fait. Il a joué avec nous Watcher of The Skies (Genesis, Foxtrot 2012), il l’avait déjà fait régulièrement.
FR : Et Phil a joué avec vous à Genève.
Fait qu’il a vécu un peu ce que Phil Collins a vécu quand il est venu jouer la pièce The Musical Box (Genesis, Nursery Crime 1971) avec nous autres en 2005. Il l’avait jamais rejoué depuis 30 ans. À Genève. Les gars étaient nerveux. Imagine-toi, t’as un Phil Collins à côté de toi, là. En après-midi, on pratiquait, puis on essayait de la tourner avec lui, puis là, il dit, les gars, j’ai un problème. Il dit, j’ai composé la chanson, il a 30 ans, puis là, il dit, en ce moment, je suis pas capable de la jouer. J’ai juste écouté dans l’auto en m’en venant, mais là, elle rentre pas. Mais, il était dans une période de sa vie, où il jouait moins. Fait que là, il était pas en shape. Pendant deux heures, dans le soundcheck, devant l’après-midi, Il y a eu plein de paramètres qui se sont ajustés pour le mettre à l’aise. Bon, la position de la batterie, dans ce temps-là, c’était Martin Levac, ça fait que le drum était déjà sur le bon côté parce que Martin est gaucher. Fait qu’à un moment donné, il est tombé à l’aise. Pis là, on s’est mis à pratiquer section par section, pis là, ça s’est mis à se placer.
Le soir, il est descendu au rappel, il avait un gilet de The Musical Box. Martin avait le gilet de Genesis. Il a fait le rappel, puis après le show, on ne fait jamais ça, mais il a demandé à faire un salut tout le monde ensemble. Parce que nous autres, on ne le fait pas parce que ça ne fait pas partie d’un show de Genesis. Mais là, on l’a fait.
Pis après le show, il sautait partout comme un enfant, pis il nous sautait dans les bras. Ben, un an après, Genesis a recommencé à jouer (ndlr. Tournée Turn It On Again, 2007).
Puis là, à un moment donné, il y a mon 50e anniversaire de naissance, il y’a eu un party surprise. Parce que là, Steve, à ce moment-là, il commençait à faire son Genesis Revisited 2 qu’il fait maintenant. On avait une fin de semaine d’organisée pour aller le voir. Fait que là, dans la journée, au restaurant indien qu’on aime beaucoup à Montréal, tout le monde était là, Steve était là, j’arrive, c’était un parti surprise. Steve avec sa femme, Joe qui est super gentille.
Puis à ce moment-là, ils jouaient le soir, puis le lendemain, on revenait à Thetford, puis là, j’avais un party surprise avec un cadeau, une guitare, qui m’attendait ici avec des amis.
FR : Selon toi, The Musical Box a inspiré les membres de Genesis à rejouer leur répertoire?
Dans le cas de Steve, il disait que le vieux matériel de Genesis, ça ne l’intéressait pas de tomber là-dedans. Si je me souviens bien, quand on a joué à Londres, au HammerSmith Apollo, il rentre 3300 personnes, il restait 300 places. Il était dans le salle. Il paraît que ce soir-là, Tony Banks était là incognito, mais il n’est jamais venu nous voir. C’est ce qu’on nous a dit. Puis ce soir-là, dans la loge, après ça, Steve Hackett vient nous voir, on jase. À un moment donné, il jasait tellement qu’il m’offrait quelques confidences surprenantes. Puis un moment donné, Sébastien dit, les gars, moi je ressens quelque chose. Il va recommencer à faire du vieux Genesis comme nous autres. C’est ça qu’il a fait. On a poussé le gars à recommencer à faire de la vieille musique. C’est quand même assez flyé. Ça, c’est encore plus que d’avoir leur reconnaissance seulement.
Hammersmith Apollo, Londres
FR : Vous avez eu le privilège de visiter les studios de Genesis.
Oui, on a visité The Farm en 2005. La 48-pistes était en avant de nous autres. Les vieux albums étaient numérisés dans Pro Tool, puis on allait écouter tout ce qu’on voulait là-dedans. Avant de faire Selling England By The Pound et Foxtrot aussi. J’ai entendu des notes que je n’entendais pas sur le disque parce que la musique de Genesis était très dense. C’était dur à décortiquer dans certains passages. Ça fait qu’on a tous pu faire ça. Puis là, j’ai écrit quelques feuilles de musique, des petits croquis. Je n’ai pas eu le choix. Je ne voulais pas rien oublier. Puis là, aussi, on a visité l’entrepôt. Tous les vieux instruments, les vieilles deux manches, les vieux amplis, tout était là.
Ça fait que j’ai pris la guitare deux manches de Michael Rutherford qui servait pour la tournée de The Lamb dans mes mains, je l’ai pris en photo. On a toutefois reproduit celle que l’on voit dans la pochette intérieure de l’album live de Genesis, Seconds Out. Shergold, la marque. Puis ça nous a servi, à moi et Michel Pellerin ici, qui fabrique des instruments de musique haut de gamme à Black Lake (NDLR, secteur de Thetford Mines). On l’a fabriquée à partir d’une guitare qui a été achetée, qu’on a sévèrement modifiée, qu’on a refait un corps. On a modifié, on a bâti l’électronique et toutes les composantes intégrales qui étaient bonnes, on les a gardées, on les a modifiées pour la tournée Extravaganza. Mais malheureusement, on s’est fait voler lors de notre tournée en Italie.
FR : Parle-moi justement du spectacle Extravaganza. Vous avez décidé à un moment donné de prendre un peu de liberté du carcan des spectacles de Genesis, puis d’y aller avec des chansons du groupe qui n’ont jamais été jouées en tournée.
Oui, le groupe a pris la décision à ce moment de changer de programme, d’aller faire un best-of. Parce que là, à un moment donné, quand ça fait plusieurs années que tu tournes les mêmes spectacles intégralement, parce que ça a toujours été le but du projet, d’aller chercher le vieux matériel puis de reproduire les shows de l’époque progressive. À un moment donné, les gars, ils disent, ça serait le temps de trouver une nouvelle formule. Et là, Serge est arrivé avec l’idée de faire de la création visuelle animée. Ça, c’était complètement capoté. Il a pris les pochettes des disques, il a fait de l’animation numérique avec. Ça, là, c’était un travail grandiose et vraiment très réussi. Moi, je jouais debout dans ce show-là souvent. Durant la pédiode de Peter Gabriel, comme Steve jouait assis, je devais aussi rester dans cette position. Parce qu’on faisait beaucoup de post-Gabriel dans ce spectacle, j’ai pu faire comme Steve et jouer debout. Il y avait l’opportunité de jouer des pièces que les gars n’ont jamais jouées live.
Et puis, il y avait la version 2. On a changé un peu le répertoire. Et puis, moi, ça m’a permis aussi de jouer des tounes de l’album Wind and Wuthering (Genesis, 1977). Puis même, on en a fait une du tout premier album (From Genesis to Revelation, 1969). J’ai fait des overdubs et des petites percussions. J’ai quand même joué, mais j’étais moins occupé dans cette chanson-là, qui est d’ailleurs une très bonne pièce. C’est pas mal ça, le but d’avoir fait les Extravaganza, qui ont été entrecoupés par la fameuse COVID.
FR : La particularité de Musical Box, c’est d’utiliser non seulement des décors d’époque mais aussi de vieux instruments de musique pour reproduire le son de l’époque.
C’est notre spécialité de jouer avec des vieux instruments avec qui, bien souvent, les problèmes viennent avec. Ça brise ou ça fait ci ou ça fait ça. On a fait l’acquisition, dans les deux dernières années, de deux vrais Mellotron. Le Mellotron, c’est le clavier qui se faisait les sons de violon. Le classique.
Le Mellotron avait été créé au milieu des années 60 pour être laissé dans les studios et les salons. Ça coûtait une fortune. Oui. Mais là, avec le côté créatif des groupes progressifs, en commençant par les Moody Blues et puis les Beatles, le Mellotron s’est mis à se ramasser en tournée. Là, c’est là que les problèmes commençaient. Puis là, ils ont fait des versions, des deuxièmes versions du premier, le simple Mellotron à clavier simple, le M400, qui lui était un peu plus solide, plus fiable. Le premier, je crois, c’était le Mark II.
Bien, on a fait l’acquisition des deux dans la dernière année, dans les deux, trois dernières années. Puis on a fait l’acquisition, des problèmes qui viennent avec. Parce qu’avant ça, on avait des numériques. C’est fait en Scandinavie, je pense. On en a deux. Toujours un backup, là. Ça arrive des fois qu’on est obligé de ressortir le numérique, parce que l’original, d’ailleurs le premier, il parait que ce serait celui que Morse Code a déjà eu. Le deuxième, on l’a acheté de quelqu’un en Angleterre. C’est fragile. T’as beau avoir des belles caisses, ça a souvent besoin d’être ajusté.
À venir, la 3e et dernière partie de cette entrevue portant sur d’autres rencontres mémorables de François Gagnon avec des personnalités musicales, son travail de luthier et son premier album solo Acoustalectric. À suivre le 4 juillet!
Fabriqué au Québec!
Basé à Montréal, Capitale mondiale du rock francophone!
BANNIÈRE: DANIEL MARSOLAIS
WEBMESTRE: MARCO GIGUÈRE
RÉDAC’CHEF: MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE
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