Concert de Yes et de Deep Purple
Une combinaison surprenante
Centre Bell, Montréal, le 27 août 2024
Publié le 30 août 2024
Texte/Photos/Vidéos : André Thivierge
Deux grands courants du rock pour le prix d’un!
Yes et Deep Purple, deux groupes vétérans du rock qui existent depuis plus de 60 ans ont décidé d’unir leurs efforts pour présenter une tournée commune, notamment pour souligner les 50 ans d’une pièce rock intemporelle, Smoke On The Water. Une combinaison surprenante mais intéressante malgré la grande différence de style des deux groupes (rock progressif et Hard Rock). Seuls deux spectacles de cette tournée nord-américaine sont offerts au Canada, à Toronto et à Montréal.
Yes, une formation en mutation constante
Fondé en 1968, ce groupe légendaire de rock progressif, qui a 23 albums à son actif a connu un nombre presqu’incalculable de membres permanents (plus de 20 au fil des années). Après avoir lancé deux albums qui ne sont pas passés à l’histoire, Yes a connu ses plus beaux jours entre 1970 et 1974 avec des albums classiques comme The Yes Album (1970), Fragile (1971), Close To The Edge (1972) et Relayer (1974). Par la suite, avec les nombreuses transmutations du groupe, Yes a connu de nombreux départs, des arrivées et même une période plus pop progressif dans les années 80 (avec leur seul no.1 au palmarès, Owner Of The Lonely Heart (90125, 1983).
Avec le départ non sollicité de leur chanteur vedette, Jon Anderson en 2008 et le décès du bassiste, Chris Squire en 2015, Yes s’est retrouvé depuis sans membre original.
Le leadership du groupe est assumé par le guitariste Steve Howe qui a joint le groupe en 1970, remplaçant Peter Banks. On retrouve aussi le claviériste Geoff Downes (ex-Buggles), qui a joint brièvement le groupe en 1980 sur l’album Drama en remplacement de Rick Wakeman avant de co-fonder Asia avec Howe et revenir avec le groupe en 2011. Jon Davison a pris le contrôle vocal du groupe en 2015, Billy Sherwood a remplacé Squire après son décès et Jay Schellen, le seul Américain de ce groupe britannique a succédé au regretté Alan White à la batterie en 2023. Vous suivez toujours?
Après avoir lancé des albums inégaux pour ne pas dire moyens dans les années 2010, Yes est revenu en force avec deux albums encensés par les critiques, The Quest (2021) et Mirror to the Sky (2023) qui laissent entendre que la formation actuelle a trouvé ses repères. Est-ce que la foule du Centre Bell aura l’occasion d’entendre comment ça sonne?
Yes, que des classiques
Le début du spectacle était annoncé pour 18h30 et c’est à l’heure pile que la bande de Steve Howe monte sur scène et lance l’air déchainé et très rock de Machine Messiah de l’album Drama (1980). Un choix surprenant pour débuter la soirée? Un peu, quoiqu’il s’agit d’une pièce marquant la première collaboration entre Howe et Downe.
On remarque que la mise en scène du groupe est minimale, des images de Roger Dean, l’illustrateur de la majorité des pochettes et le concepteur du logo de Yes apparaissent à l’écran, avec des projections de base sur scène et un son correct et précis. L’emphase est donc mise sur la musique du groupe. Et c’est un beau départ, particulièrement lors de l’envolée de guitare de Howe. Yes aurait pu choisir n’importe quel morceau pour ouvrir la soirée, mais ce titre est l’un des plus agressifs de leur catalogue et cela a fonctionné. En particulier pour le public amateur de hard rock et de Deep Purple qui remplissait les sièges.
Le ton est donné pour cette première prestation. Suivra ensuite une série de classiques du groupe dont I’ve Seen All Good People et Your is no Disgrace qui reprennent fidèlement les versions de l’album Fragile. La voix de Jon Davison qui a la tâche ingrate de reproduire celle haut perchée de son prédécesseur, Jon Anderson, est juste et appréciée par les 21 000 personnes présentes au Centre Bell.
C’est à ce moment que les amateurs ont le plaisir de pouvoir apprécier toute la virtuosité du leader du groupe. Steve Howe offre un troisième extrait, instrumental celui-ci, du même album, The Clap, offrant une belle envolée acoustique pendant que les autres membres prennent une petite pause.
Les musiciens reviennent ensuite sur scène pour nous offrir la pièce titre de l’album Going For The One (1977), moins connue des amateurs de Yes ainsi que Siberian Kathru de Close To the Edge. On constate certaines difficultés pour le groupe à reproduire quelques passages complexes de ces pièces écrites par Jon Anderson et Rick Wakeman dont son absence se fait sentir sur la dernière pièce.
Après 50 minutes de musique, c’est déjà le temps du rappel et Yes le fait de belle façon avec la très populaire Roundabout (Fragile), leur premier simple à succès, suivie de Starship Trooper (The Yes Album – le premier disque avec Steve Howe).
Malgré de bons moments, la prestation de Yes nous laisse un peu sur notre appétit. Le groupe a décidé avec ce spectacle de première partie d’y aller avec des valeurs sûres et consacrer l’ensemble de sa prestation à quelques classiques de ses débuts. Certains fans auront été déçus de ne pas entendre d’extraits des nouveaux albums qui mettent en valeur la nouvelle mouture du groupe.
Deep Purple, les papis s’éclatent
Malgré les différences de styles, plusieurs similarités expliquent l’intérêt des deux groupes à faire la tournée ensemble. D’abord, Deep Purple a aussi fait ses premiers pas en 1968, la même année que Yes. Le groupe hard rock a fait l’objet de huit incarnations et ne compte que sur un seul membre original, le batteur Ian Paice. Cependant, deux de ceux-ci sont des vétérans du groupe, le chanteur Ian Gillan et le bassiste Roger Glover qui ont fait partie des grandes années de Deep Purple et ont participé à des albums mémorables tels In Rock (1970), Fireball (1971) et le légendaire Machine Head (1972).
Le groupe est maintenant complété par le claviériste Don Airey qui a succédé au regretté Jon Lord en 2002 et le petit nouveau, Simon McBride qui a remplacé Steve Morse à la guitare en 2022.
Une classe de maître du rock
Après une première partie correcte et tout de même satisfaisante pour les amateurs de Yes, Deep Purple nous démontre dès le départ pourquoi tant de personnes sont toujours fans du groupe après 22 albums. Celui-ci a offert une classe de maître du rock prouvant une fois de plus qu’ils sont des icônes du genre. Le groupe a confirmé son statut légendaire en interprétant à la fois des tubes classiques et des chansons de leur récent album =1.
Après une courte présentation vidéo, le groupe s’est lancé dans un jam avant que Ian Gillan n’apparaisse. La chanson Highway Star (Machine Head), un classique du groupe tonitrue via une sono puissante, des effets de lumière rappelant l’époque psychédélique et des jeux de caméra nous offrant une vue intimiste du groupe.
C’est le début passionnant d’un concert qui couvrira des décennies d’excellence dans le domaine du rock. La voix de Gillan est toujours aussi puissante et expressive, délivrant chaque ligne avec l’intensité et la finesse que les fans attendent. Des titres comme Lazy et Smoke on the Water du même album ont mis en évidence sa capacité à atteindre ces notes aiguës emblématiques, pour le plus grand plaisir du public conquis du Centre Bell.
La musicalité du groupe était tout simplement spectaculaire. Roger Glover et Ian Paice formaient un duo familier des rythmes rock solides et des basses assurées. Les solos de guitare du petit nouveau, Simon McBride étaient intenses et complexes, mêlant habileté technique et profondeur émotionnelle. Il s’est approché à plusieurs reprises du bord de la scène, ce qui a enthousiasmé et ravi la foule.
Le travail au clavier de Don Airey était également remarquable, ajoutant des couches de complexité et de richesse au son du groupe qui rendait hommage aux albums classiques tout en poussant leur musique vers de nouveaux territoires.
Don a pris le temps, pendant son solo, de porter un toast avec son verre de vin et, plus tard, d’inspirer le public à se lever pendant qu’il rendait hommage au grand Montréalais Leonard Cohen avec la pièce Suzanne et à la foule francophone avec un extrait bien senti de Gens du pays de Gilles Vigneault.
Tout au long de la soirée, la connexion entre le groupe et le public était palpable. Les fans de tous âges semblaient unis par leur amour pour Deep Purple et l’enthousiasme du groupe était évident. Les effets visuels et la scénographie, bien que simples, complétaient parfaitement la musique, ce qui permettait de se concentrer sur la performance du groupe.
Comme pour montrer que le nouvel album est une sorte de renaissance pour Deep Purple, ils ont joué cinq chansons de =1. Il est rare qu’un artiste de la trempe et de l’histoire de Purple intègre plus d’une ou deux chansons d’un nouvel album dans son répertoire en concert. Yes n’a même pas pris la peine d’intégrer une seule nouvelle chanson à son set. Depuis les graphiques et la vidéo de =1 sur l’écran géant jusqu’à l’alchimie retrouvée du groupe, on avait l’impression que le « long adieu » de Deep Purple s’était transformé en « nous ne faisons que commencer ».
Alors que la soirée touchait à sa fin, le groupe a lancé un magistral Smoke On The Water qui a fait trépigner la foule avant le rappel qui a commencé avec les accords de Hush. Une reprise de Billy Joe Royal qui a paru sur le premier album de Deep Purple en 1968 et qui a fait littéralement danser tout le monde dans l’amphithéâtre.
Une occasion unique à saisir pendant qu’elle passe
Il n’est pas fréquent de voir des groupes comme Yes et Deep Purple réunis lors d’un même concert. Bien que les deux groupes semblent fonctionner à plein régime, on a l’impression que des occasions comme celle-ci ne se représenteront probablement pas.
Yes continue d’enregistrer de nouveaux albums, ce qui laisse espérer qu’il repartira en tournée et offrira les pièces qu’ils ont créées récemment et non seulement les classiques d’il y a 50 ans. Quant à Deep Purple, il semble que les papis ont encore beaucoup de carburant dans leur réservoir. Reste à savoir ce qu’ils ont prévu après =1.
Lorsqu’il s’agit de l’un ou l’autre de ces groupes, ou de quelques autres de leurs pairs encore en activité, vous ne saurez jamais vraiment que c’est fini jusqu’à ce que ce soit fini. Et il semble qu’ils ne soient pas encore prêts à raccrocher. À notre plus grand bonheur.
Photo : Géo Giguère
Fabriqué au Québec!
Basé à Montréal, capitale mondiale du rock francophone!
Photo de bannière: Michelle Dunn
INFOGRAPHIE: MURIEL MASSÉ
WEBMESTRE: MARCO GIGUÈRE
RÉDAC’CHEF: MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE
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