Chroniques

Genesis Le quatuor triomphe!

We Know That We Like Genesis #49
Une série sur toutes les époques de ce groupe mythique
Publié le 4 juin 2022, 1400 vues

Republié le 4 février 2024

 

Par André Thivierge

Après l’Ontario, c’est au Québec que Phil Collins, Tony Banks, Mike Rutherford et Steve Hackett se rendent pour poursuivre la première tournée de Genesis, sans Peter Gabriel.

Une date importante pour le groupe, c’est Montréal, une ville qui les a toujours accueillis à bras ouvert depuis qu’ils sont venus pour une première fois trois ans plus tôt. 

Et c’est dans le journal Pop-Jeunesse Rock que l’on retrouve un compte-rendu complet offert par Jacques Landry du spectacle du 2 avril 1976 au Forum de Montréal. Le titre est éloquent : Un triomphe! 20,000 spectateurs acclament un Genesis métamorphosé.

Dans son article, Landry indique qu’il est clair que le public est gagné d’avance sans savoir ce qui l’attend! Il conclut en disant que ce soir, Genesis nous a fait le coup du Greatest Hits.  Comme Yes et Gentle Giant, il a pris conscience de l’importance de certaines pièces sur le public en général.  Genesis regroupe toutes ses pièces à succès, les habillent d’un light show génial et voilà que cette rétrospective de l’œuvre entière du groupe devient un greatest hits (…), le plus beau que j’ai vu. Genesis conte des légendes, se prend à son propre jeu, et deviens aux yeux du public une légende lui-même.’

En ce qui concerne l’aisance de Phil dans des langues autres que l’anglais telles qu’en français à Montréal, Mike a déclaré au magazine Beat Instrumental : Phil est très bon dans les pays étrangers. Il écrit les choses en gros caractères sur une feuille de papier et parle un peu la langue étrangère, et ses gestes sont amplifiés. Le public adore cela!

À la conquête de l’Amérique du Nord

Ce n’est pas une coïncidence si le nouveau Genesis a d’abord été dévoilé devant le public nord-américain.  Le groupe de l’ère Gabriel y est beaucoup moins bien établi qu’en Grande-Bretagne, et le public risque moins d’être déçu par la nouvelle version de Genesis.

Après le Québec, la tournée se dirige donc vers les États-Unis. Le concert d’avril au Beacon Theater de New York est relaté par Melody Maker sous le titre « Eat your words, Genesis critics« .  Le journal rapporte que le nouveau Genesis est tout aussi divertissant que l’ancien.

Dans son autobiographie, Steve relate cette période : Malgré nos inquiétudes initiales, tout s’ouvrait pour le groupe à ce moment-là. Mon album Voyage of The Acolyte suscitait beaucoup d’intérêt aux États-Unis.  Le gourou de Chrysalis, Russ Shaw, a insisté pour que je me présente à autant de stations de radio que possible avant chaque concert de Genesis

Ahmet Ertegun, à la tête d’Atlantic, était présent à notre concert à New York.  Il a dit : « Vous êtes bons, les gars.  On va vous suivre de près.  Je me suis demandé s’il tiendrait sa parole, mais il l’a fait.  Soudain, à chaque fois que nous arrivions dans un aéroport, deux représentants d’Atlantic nous accueillaient.  On nous faisait de la publicité et on nous accordait un traitement prioritaire

Retour à la maison

Le public sur les deux continents est en extase ; après avoir été forcé de faire une croix sur le groupe lorsque Peter a quitté, le public est maintenant témoin d’une renaissance que peu auraient pu prédire – une renaissance qui, d’une certaine manière, menace d’éclipser toute incarnation passée.

Phil se rappelle du retour à Londres dans son autobiographie : Les réactions favorables affluent.  À partir de Londres, Genesis et ses fans poussent ensemble un soupir de soulagement. On est extrêmement rassurés de voir qu’après le départ de Peter, notre solution maison a fonctionné au-delà de nos espérances. 

Le concert de Hammersmith se passe au mieux.  J’ai enfin trouvé mon uniforme : salopette blanche et veste blanche.  C’est là-dedans que je me sens bien.  Je me glisse sans trop de problèmes dans la lumière de mon nouveau rôle.  Je suis de plus en plus à l’aise sur scène, même si le micro reste encore sur son pied.  La communication avec le public s’améliore elle aussi.  C’est une compétence à améliorer car je suis maintenant celui qu’on veut interviewer.  J’en suis flatté, bien sûr. 

À mesure que je trouve ma vitesse de croisière, j’invente une nouvelle manière de jouer du tambourin.  À un moment donné, lors de cette grisante enfilade de concerts, je me frappe la tête avec.  Pas une fois, deux fois, mais sans arrêt.  En rythme, à la fin de ‘I Know What I Like’.  Cette lubie deviendra un rituel, la danse du tambourin, un croisement entre une danse folklorique et le ministère des Démarches à la con des Monthy Python. Cette petite touche d’exubérance très music-hall fait mon bonheur et celui du public. En somme, Genesis a puisé en lui-même les moyens de sa survie.  Mieux, il a rajeuni.

Les critiques sont élogieuses 

La réaction est presque entièrement positive et il devient vite évident que Genesis est non seulement vivant et bien portant, mais qu’il a plus de succès que jamais. Pour chaque fan qui pleure l’absence du masque à fleurs et de l’aile de chauve-souris, il semble y en avoir plusieurs qui sont conquis par le charme facile et le style vocal moins idiosyncrasique de Phil.

Clive Bennet du London Time a trouvé les effets visuels du nouveau spectacle particulièrement louables : les rétroprojections ont fourni des parallèles narratifs étonnamment efficaces à de nombreuses chansons ; des plans magnifiquement composés de New York dans « The Lamb Lies Down On Broadway« , une version cinématographique de « Robbery, Assault and Battery« . Bennet a également été impressionné par le magnifique affichage des rayons laser.

La critique du Daily Telegraph s’est fait l’écho de la majorité : Que ce soit en jouant du tambourin avec sa tête, jouant de la batterie face à l’excellent suppléant Bill Bruford, bottant des buts imaginaires, émettant un discours confiant et spirituel, ou simplement chantant, l’homme (Phil) était magnétique.  Fini l’humour noir et la distance, Genesis est accessible, redevient un groupe populaire.

Bien que l’arrivée du punk soit imminente, le magazine NME affirme que Genesis représente le son des années 70 : Ils sont tout à fait dans l’air du temps.

Bien que la présentation plus théâtrale de Peter ait attiré plus d’attention, c’était parfois au détriment de la musique. Phil établissait une connexion plus personnelle avec le public. Il a déclaré au magazine Circus en 1978 : Je pense que la distance qu’avait Peter était en fait bonne.  Je ne pense pas que cela nous ait nui.  Mais quand il n’y a rien entre vous et les gens, pas de distraction, alors c’est beaucoup plus clair.

Melody Maker, qui soutenait encore fermement le groupe à cette époque pré-punk, a salué Genesis au Hammersmith comme une nuit mémorable et sensationnelle.  Le journal a décrit le spectacle comme un mélange d’anciens et de nouveaux morceaux qui a satisfait tout le monde.

Des visiteurs inattendus

Un visiteur anonyme de l’un des spectacles de l’Hammersmith Odeon, Peter Gabriel, a assisté au concert avec des sentiments à la fois positifs et négatifs.  Il a raconté : « Lorsque vous avez mis beaucoup d’efforts dans la création de quelque chose, il y a une certaine tendresse.  C’est comme regarder quelqu’un avec son ex-femme.  Vous vous sentez un peu territorial, même si, comme moi, vous pensez avoir pris la bonne décision en partant. »

Peter ne leur avait pas dit qu’il allait voir le spectacle car cela aurait pu les faire paniquer, surtout Phil. « Pendant la première partie, j’ai trouvé qu’il se débrouillait incroyablement bien et semblait à l’aise.  Mais il y a eu un ou deux moments, comme dans « Supper’s Ready » et je me souviens que ça m’a énervé. Il mettait des petites choses décoratives et je me disais : Au diable la décoration, livrez le message. »

Steve dans son autobiographie raconte la venue d’un autre visiteur illustre : Le publicitaire Peter Thompson a amené Mick Jagger à l’un des concerts du Hammersmith.  Mick a été suffisamment impressionné pour dire à Peter : « Ils seront probablement l’un des plus grands groupes dans quelques années ».  C’était un énorme coup de pouce pour notre confiance, ayant autant d’impact en son temps que le commentaire de John Lennon l’avait été trois ans plus tôt.  C’est fantastique de recevoir les éloges d’un Beatle et d’un Rolling Stone.

Enfin sur film officiel

Les avant-derniers spectacles de l’Apollo de Glasgow et du Bingley Hall, à Stafford, les 9 et 10 juillet 1976 ont été filmés et sont sortis sous la forme d’un film de 45 minutes intitulé Genesis : In concert dans les cinémas, sur un programme double avec White Rock, un documentaire couvrant les Jeux olympiques de 1976 avec la musique de Rick Wakeman. Le film a été publié plus tard dans les bonus de l’édition CD/DVD de 2008 de « A Trick of the Tail ».

Le film s’est avéré assez controversé, non seulement en raison des coupures inconsidérées (seules 45 minutes du concert filmé ont été utilisées) mais aussi pour l’utilisation de séquences supplémentaires aléatoires que les membres du groupe n’ont pas du tout apprécié.

Selon Tony : La raison pour laquelle ils ont dû ajouter des séquences supplémentaires était qu’il faisait trop sombre.  Ils ne pouvaient pas vraiment faire quelque chose à ce sujet parce que, à l’époque, si vous vouliez filmer un concert, il devait être très lumineux et nous ne voulions pas compromettre notre spectacle juste pour un film. Alors ils ont dû coller toutes ces pièces différentes : des bombes atomiques et des filles sur la plage et tout le reste… c’est assez terrible en fait. Je me souviens avoir vu le tout et avoir pensé que c’était assez mauvais. Avant l’avènement des caméras vidéo, je ne pensais pas qu’il était bon d’enregistrer des concerts sur pellicule, mais lorsque les caméras vidéo sont devenues plus sophistiquées, vous pouviez capturer un groupe tel qu’il était réellement, au lieu de devoir créer cet environnement artificiel.  Mais c’est plutôt agréable d’avoir quelque chose de l’époque, sinon rien n’existerait du tout.

Un bilan positif

Pour profiter du nouveau succès de Genesis, Decca Records a reconditionné le premier album From Genesis to Revelation dans le cadre de la série de compilations ROOTS.  Pour rendre l’emballage plus attrayant, Decca a ajouté les quatre faces des simples qui ont été lancés sur cette étiquette.

A la fin de leur tournée de 1976, Genesis avait fait ce qui semblait inimaginable.  Ils ont fait face à la perte d’un leader distinctif, ont écrit leur album le plus impressionnant à ce jour, ont satisfait les fidèles, ont converti certains sceptiques, sont arrivés en tête des sondages musicaux de fin d’année pour le meilleur album et le meilleur spectacle, ont eu un album numéro trois, ont fait de grandes avancées sur le marché américain et sont même devenus à la mode dans la presse musicale anglaise.

Tony a déclaré : « J’ai été surpris de voir à quel point c’était facile pour nous après « A Trick of The Tail ». Les gens s’étaient toujours comportés envers le groupe comme si Peter était Genesis.  Nous avons fait un album sans lui, et tout à coup, ce n’était plus un problème.

Bien loin de transformer l’eau en vin, le groupe peut être fier de cette année incroyable, qui s’est terminée par la seule question que l’on se pose à propos de Peter Gabriel : Peter qui ? 

Est-ce que le groupe pourra continuer sur sa lancée?

À suivre!

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